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Pour Monseigneur Lefebvre, merci mon Dieu !

jeudi 24 mars 2011, par Abbé Philippe Laguérie

20 ans déjà, je n’ose y croire. C’est hier encore qu’il nous réchauffait le cœur et nous éclairait l’esprit de sa douce et puissante parole. Une chose est certaine : il est bien mieux là où il est qu’à subir les avanies et la haine. Merci à cette « Bonne Mère du ciel » d’être venue le délivrer en ce jour de son Annonciation, de l’Incarnation aussi et, par conséquent, de la constitution comme prêtre pour l’éternité, selon l’ordre de Melchisédech, de Jésus de Nazareth, son fils, Notre Seigneur.

Je n’annexerai pas Mgr Lefebvre à ma cause ! Je n’en ai ni le gout, ni le droit, pas même la tentation. Personne ne le peut, d’ailleurs, qui aura mesuré une fois pour toutes l’envergure historique de cet évêque de l’Eglise Catholique (universelle). Sa doctrine, ses options et ses choix, son charisme en un mot, n’appartiennent à personne et ce serait lui faire injure que de le réduire à une quelconque mouvance, Fraternité comprise. Seule son Autorité de Fondateur-Supérieur de la Fraternité Sacerdotale saint-Pie X se prolonge en ses successeurs légitimes. Le reste est à tous.

Prophétiser aujourd’hui pour demain à partir d’hier ce que Mgr Lefebvre aurait fait maintenant me parait également une folle audace. A la vérité, je n’en sais rien ! La centaine de prêtres réunie deux fois en la salle des catéchismes de Saint-Nicolas du Chardonnet, autour du fatidique 5 mai 1988, a applaudi à tout rompre aussi bien à l’annonce du protocole qu’à sa dénonciation. Hardi défenseur des sacres, je fus pourtant de cette masse. La vérité, c’est qu’il était seul à pouvoir apprécier ce geste, dont la plupart de ses collaborateurs immédiats le dissuada.... Reste que l’histoire lui a amplement donné raison. La Tradition Catholique, malgré nombre de changements opérés depuis dans le bon sens, a encore bien du mal à s’imposer ; sans les sacres, elle était morte. Ses ennemis le savaient mieux que nous. Quel est ce prêtre, cet évêque même, qui peut dire, à célébrer aujourd’hui la messe grégorienne, qu’il ne le doit pas, de près ou de loin, à la vaillance de Mgr Lefebvre ?

Maintenant, lui faire dire ceci ou cela pour le présent, relève du tour de passe-passe et de la prestidigitation ! S’envoyer au visage des citations, forcément circonstancielles, de Mgr Lefebvre pour nous dire doctement ce qu’il ferait certainement aujourd’hui est assez pitoyable et, de surcroît, peu respectueux de sa mémoire. Par définition la prudence est l’application de principes immuables, certes, mais à des circonstances infiniment variées. A circonstances différentes, choix prudentiels divers. Ces spécialistes de la citation appropriée (Et infaillible d’un comportement futur !) le font passer pour une girouette. De son vivant, il a lui-même varié beaucoup, suivant les circonstances et c’est tout à son honneur ; ses choix étaient tellement crucifiants ! La prudence est une vertu, disposition personnelle ; il n’y a pas de prudence par procuration.

C’est l’enseignement doctrinal du prélat qui ne souffre aucune contestation, et lui seul. Là, il n’a pas bougé d’un iota. On peut même dire qu’il n’a eu aucune doctrine personnelle et s’est volontairement contenté (Quelle sagesse !) de redire inlassablement l’enseignement de l’Eglise dans les grandes encycliques des papes. Que les « vieux », qui étaient bien jeunes alors, se souviennent : ça nous agaçait même quelque-peu ! On attendait souvent qu’il choisisse, qu’il tranche et prenne parti dans une thèse théologique, pour ou contre Cajetan ou Capreolus sur la personne, pour ou contre les franciscains ou les thomistes sur le motif de l’Incarnation, pour ou contre une spiritualité à la française ou à l’espagnole.... Jamais il ne se livra à cet exercice combien légitime pour un double docteur en Philosophie et Théologie. Il sentait d’instinct que l’unité n’est que dans les choses nécessaires, pourvu que la charité soit en toutes. Il concevait la fidélité et son rôle providentiel en celle-ci comme lui interdisant tout particularisme. Sa seule « spiritualité » connue fut celle de l’Eglise Catholique, celle du Saint-Sacrifice de la messe, sans compromission, là-dessus comme en tout. Les très rares fois où il se « lîcha » en politique concernait des domaines où la religion était immédiatement impliquée comme dans la décolonisation révolutionnaire de l’Afrique. Quelle lucidité prophétique.

Dans cette ténacité héroïque de Mgr Lefebvre, contre vents et marées, le plus cruel fut sans aucun doute son opposition à la Rome postconciliaire, « inimaginable » « inconcevable » selon ses propres termes. Le plus romain de tous les évêques en but aux tracasseries les plus pénibles de Rome, le plus papiste poursuivi par les papes : bien avant les sacres qui permettront alors de le traiter facilement de schismatique. La qualification de « sauvage » pour son séminaire en parfaite légalité canonique (1968 !), sa fermeture forcée en 1974, l’hémorragie conséquente de séminaristes pris de panique (Moi qui suis malade quand un seul nous quitte !), la suspens a divinis de 1976, son recours à la Signature Apostolique supprimé d’une lettre par le Secrétaire d’Etat, le Cardinal Villot, la trahison de ses professeurs en 1977, la trahison des « sedevacantistes » de tout poil etc.…Sans compter une presse qui le méprise, les confrères dans l’épiscopat qui l’honnissent, Rome qui le persécute en attendant sa mort, le pousse aux sacres avec Assise I et finalement l’excommunie. Pourquoi, direz-vous ? Pour sa fidélité sereine à la doctrine des papes et à la messe du pape Grégoire (590-604). Quand on écrira l’histoire de cette période de l’Eglise, heureusement qu’on pourra l’invoquer pour sauver l’honneur, comme on évoque saint-Athanase au IVème siècle ou saint-Thomas Becket au XVIème…

Je ne sais plus quel Cardinal a dit (Oddi, Stikler ou un autre, peu importe) que Mgr Lefebvre était un fou ou un saint ! Poser la question, c’est y répondre. Vous me direz que le pape Jean-Paul II a fait un miracle et que, pour l’heure, on n’en connaît pas d’éclatants obtenus par Marcel Lefebvre. C’est tout à fait logique, normal. Jésus est le garant de l’Autorité de l’Eglise qui est la sienne. Malgré de nombreux miracles, on ne parvient pas à canoniser Isabelle la catholique, Pie IX ou simplement à béatifier Pie XII, alors qu’ils n’ont jamais eu à s’opposer à l’Autorité. En revanche, il a fallu six siècles pour canoniser (enfin !) une humble bergère du XVème siècle parce qu’elle avait été brulée vive sur l’ordre de l’évêque du lieu, flanqué, s’il vous plait, de trois cardinaux de la Sainte Eglise Romaine. Mgr Lefebvre se mettra à faire des miracles, vous verrez, quand… il sera canonisable. Dieu, qui est très délicat, se doit de préserver le pouvoir et l’honneur de ceux qui sont assis, non pas dans la chaire de Moïse, mais dans celle de son Fils.

A la veille d’un choix historique pour la Fraternité saint-Pie X, je ne sais pas ce qu’aurait fait Mgr Lefebvre, encore moins ce que doivent faire à présent les dirigeants de son œuvre. Mais je suis persuadé, concernant le passé récent et comme je le dis depuis 8 ans maintenant, qu’il ne s’y serait pas pris de la sorte et ne se trouverait pas dans ce piège. Il n’aurait pas engagé de « discussions doctrinales » avec Rome et la phrase qu’on cite sans cesse de lui ne dit pas cela. Elle affirme que c’est lui, Mgr Lefebvre, qui aurait posé les questions et non plus les autorités, ce qui n’est pas la même chose, voyons. Au terme de discussions on est nécessairement d’accord ou non, on s’accorde ou c’est la rupture doctrinale, avec toute la gravité qu’elle comporte. C’est un risque fou, peut-être suicidaire. Mgr Lefebvre, en revanche, se serait efforcé de négocier pas à pas des conditions pratiques optimales pour la vie (« Expérience ») de la Tradition et il me parait parfaitement raisonnable de penser que, là-dessus, les autorités romaines se fussent montrées très souples. Car que chercher ? Une absence de compromis doctrinal avec le maximum de garanties pratiques, n’est-ce pas ? Mais il risque de se produire exactement l’inverse : un bidouillage doctrinal doublé d’une paralysie concrète. Ou encore, en cas d’échec complet de toute entente, une réinscidence des peines et censures, élargies aux prêtres, qui sait, aux fidèles ? Quod Deus avertat !

L’heure pour Marcel Lefebvre de faire très vite son premier miracle !

Monseigneur, priez pour nous.

Messages

  • Merci Monsieur l’abbé de marquer cet anniversaire par ces ces mots si simples, si forts qui résument cette fermeté et douceur de Monseigneur

    Il y a vingt ans nous nous sommes tous sentis orphelins.....!

    Monsieur l’abbé Aulagnier, hier soir à Saint ELoi a retrouvé ces mots si justes, si forts pour situer ce combat de Mgr Lefebvre, pour l’expliquer aux nombreux jeunes venus l’écouter
    .
    Les anciens se souvenaient avec émotion.

    Tous nous mesurions cette providentielle action de Mgr Lefebvre, tout ce que nous lui devons....Puissent les "jeunes soutanes" assises au fond de l’église hier soir, mesurer ce qu’elles doivent, ce que toute la Tradition doit à Monseigneur.

    Et surtout restons vigilants...Je relève une phrase qui me semble bienvenue dans la situation actuelle :

    ..."Il sentait d’instinct que l’unité n’est que dans les choses nécessaires, pourvu que la charité soit en toutes"
    Merci Monseigneur ...

  • ayant lu avec attention l’hommage que vous rendez à mgr lefebvre, une partie de votre texte me surprend : ce que vous dénoncez dans votre 4è paragraphe, vous le faites apparemment dans le dernier paragraphe, à savoir une interprétation de ce qu’aurait fait ou dit Mgr Lefebvre aujourd’hui.
    Je ne comprend donc pas du tout la logique de votre désaccord avec les orientations actuelles de la FSSPX, d’autant plus que vous dites à un moment "je ne sais pas ce qu’aurait fait Mgr Lefebvre, encore moins ce que doivent faire à présent les dirigeants de son œuvre"

    • Cher fidèle,

      J’avais songé à cette belle objection ! Mais, voyez-vous, elle ne tient pas. Je n’augure en rien de ce que ferait Mgr Lefèbvre aujourd’hui dans les difficiles choix de ses successeurs puisque je dis l’ignorer : c’est de l’avenir. Mais j’affirme qu’il n’aurait pas engagé de discussions doctrinales avec Rome ainsi : c’est le passé.

      Je me fonde sur sa sagacité légendaire et les risques bien trop grands d’une telle démarche. Discuter ( Et non pas reprendre l’inadmissible, comme il l’a toujours fait ) c’est se mettre d’accord ou pas, avec les issues gravissimes que cela comporte... Beaucoup trop dangereux. Affaire à suivre de très près !

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