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Qu’il est urgent de ne rien dire.

lundi 18 mars 2013, par Abbé Philippe Laguérie

On me sollicite de tous côtés pour parler et l’on s’étonne de mon silence. Mes amis pour m’entendre dire les choses qu’ils pensent, je suppose, mes ennemis pour lire quelque remarque hasardeuse qu’ils m’enverront au visage dans quelque temps ? Ce pourrait correspondre à un véritable prurit puisque les connexions sont là, déçues, mais toujours plus nombreuses…

Parler ? Certes oui ! Mais pour dire quoi, exactement ? Des banalités que tout le monde sait déjà ? Vais-je donc devoir signaler à mes fidèles lecteurs, en grande prétention de les instruire, que le pape Benoît XVI a renoncé au Pontificat le 11 février, que le Siège Romain est resté vacant du 28 février (20h) au 13 mars et que nous avons un nouveau Pontife suprême en la personne du Cardinal argentin Jorge Bergoglio qui a pris, le tout premier, le nom de François ?

Vais-je devoir dire, s’il le faut c’est fait, que je salue, comme tout l’Institut du Bon Pasteur que je préside, et avec tout le respect qui Lui est dû, le nouveau chef de l’Eglise Catholique ?

Maintenant si vous me demandez ce que j’en pense, si ce pape va être un bon pape ou un mauvais, un bon pasteur ou un médiocre, etc. Là je vous arrête tout de suite ! Je n’en sais strictement rien et d’en vouloir extrapoler, dans un sens comme dans l’autre, me parait simplement fou. Il n’est, pour s’en convaincre, que de lire, un peu partout, les éructations « spontanées » des forums et des blogs, les interviews prophétiques et dogmatiques des « connaisseurs » qui s’y connaissaient si bien déjà il y a un mois qu’ils n’avaient suggéré ni la renonciation du précédent, encore moins l’éventualité du second. Demander à pareils charlatans le déroulement des futuribles (Ah, là je vous apprends peut-être quelque chose : il s’agit des événements futurs dépendants d’une volonté libre ; je vous calme aussitôt, Dieu seul les connaît, pas même les anges et Lucifer lui-même) mieux vaut démêler les scénarios inexistants des films américains que des voies de faits réduisent à néant toutes les 30 secondes. Je songe plutôt à ces vers cinglants du grand Alceste aux petits marquis :

« Quel besoin si pressant avez-vous de rimer ? »
« Et qui diantre vous pousse à vous faire imprimer ? »

Pour les commères : « Je ne sais rien mais je dis tout ». Pour les prêtres se devrait être plutôt : « Je sais tout mais je ne dis rien ».

Mais si vous n’avez rien à dire, le mieux ne serait-il pas de vous taire ? C’est aller trop vite, chers lecteurs ! Sans doute le sermon sur la montagne m’a appris, dans ce bon sens paysan qui sent bon le Créateur, qu’on juge un arbre à ses fruits. Les fruits du pape François premier, comme pape, sont absolument inexistants. Il est, comme pape, vierge de tout fruit et laissez-lui cette courte prérogative. J’attends les faits, s’il vous plait, avec cette préférence pour les actes sur les discours. Je laisse aux intellectuels, quelque brillants, mais qui ont toujours tort pour finir, les spéculations sur les mots, les extrapolations sur des demi phrases. J’attends les faits et plus concrètement les nominations. « Dis moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es ». Les plus grands papes ont fauté là où seuls les saints ont réussi. La piété filiale que nous vouons, surtout dans l’Institut du Bon Pasteur et pour cause, au pape sortant, ne l’exempte pas d’une équivocité en ce domaine…

Mais si je m’interdis de pronostiquer, je puis bien vous dire ce qui d’emblée me plait ou non des faits minimum qui sont là. Que s’il eût été un mauvais évêque et un médiocre cardinal, il ne laisserait pas de pouvoir être un excellent pape. Comme le Cardinal Mastai Ferretti (Le bienheureux Pie IX) qui crut deux ans durant devoir composer avec la Révolution et devint ensuite le champion de la contre du même nom. Il en attend toujours sa canonisation, le pauvre, malgré d’éclatants miracles, à cause de la liberté religieuse ; tout comme Isabelle la Catholique à cause des musulmans et Pie XII à cause des juifs ; pensez, on canoniserait le Syllabus et Quanta cura ! J’attends donc le meilleur de ce nouveau pape, évidemment.

Son nom me plait. Aussi bien Bergoglio, qui sent bon l’Italie (enfin) que François. Fallait oser une première après 265 papes, sauf à tenter le deuxième Pierre ! Je tiens aussi à « Premier », question franco-française de ramener notre identité et de nous faire oublier ceux des François qui, ne portant pas de numéro, laisseront dans l’histoire, Deo adjuvante, le moins de trace possible…

J’aime son franc-parler. Ayant toujours eu en horreur la langue de bois qui est souvent une langue de péripatéticienne et sachant personnellement ce qu’il en coûte de ne l’avoir pas, je lui laisse savourer les rares instants d’une courte paix médiatique…et encore. Je ne suis pas de ceux à m’extasier sur une citation de Léon Bloy. D’abord parce que je ne supporte pas ce prophète improvisé et atrabilaire mais aussi parce que David, inspiré, dit bien mieux les choses : « Toutes les idoles des nations sont des démons ». Pas besoin de Léon Bloy pour parler franc, garantie du Saint Esprit en plus. Enfin, je ne comprends pas, qu’on m’explique donc, pourquoi si l’on ne prie pas Jésus-Christ, on prierait forcément le diable. Je connais nombre de personnes qui ne prient jamais quiconque et s’en portent très bien, je veux dire : très mal.

Quant à la liturgie, les pronostics me fatiguent. On verra bien à l’usage. « Sérieux comme un pape » dit-on. Pourquoi pas ? Le grand pape du Motu Proprio de 2007 n’a jamais profité lui-même du droit qu’il a reconnu à tous. Je préfère de sages lois aux desiderata obscurs des législateurs. Pourvu que Rome respecte les engagements qu’Elle a pris avec nous, pour nous, à travers nous… Et que ceux envers lesquels Elle les a pris veuillent bien les respecter.

Ce qui nous ramène à l’IBP, n’est-ce pas ? Tout va très bien puisque Rome me le garantit, avec cette lenteur qui La caractérise quand il s’agit des autres. A Rome tout va très vite, ailleurs tout est fort lent, c’est comme ça. La terre est tellement vaste, n’est-ce pas ? Aucune défection à noter, prospérité dans les quatre grandes maisons françaises, à Bogota comme en Pologne. On trouve simplement le temps long à Courtalain parce qu’aucune ordination ne s’y profile. Il fallait plutôt y songer au mois de juillet 2012, non ? Encore un peu de patience et, l’ordre rétabli, tout repartira. Je tiens donc à féliciter l’ensemble de mes confrères pour leur incroyable patience. Et comment pourrait-on faire autrement, dans un institut de droit pontifical dont chaque ligne des statuts est garanti par la papauté, que de se mettre à l’heure de Rome, orbi comme Urbi ? On respecte le toit sous lequel on s’abrite.

C’est la passion du Seigneur. Elle nous apprend tout et surtout cette patience en laquelle nous possédons nos îmes. Il me reste donc à vous souhaiter, avant le triomphe de Pâques et le nôtre, d’avoir en vos cœurs les sentiments mêmes qui furent dans le Christ Jésus :

« Lui qui, de condition divine, n’a pas retenu avidement le rang qui L’égalait à Dieu mais s’est anéanti Lui-même en prenant la condition d’esclave et reconnu pour un simple homme en tout ce qui parut de Lui. Il s’est fait obéissant jusqu’à la mort et quelle mort_ celle de la croix ! C’est pourquoi Dieu L’a souverainement exalté et Lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom (Jahvé) afin qu’au nom de Jésus (Et non plus seulement celui de Jahvé) tout genou fléchisse au ciel, sur terre et dans les enfers et que toute langue confesse que Jésus Christ est Seigneur à la gloire de Dieu le Père ».

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