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Récréation liturgique.

dimanche 14 mars 2010, par Abbé Philippe Laguérie

1)Une chose m’agace depuis des années. Je ne sais si elle est répandue partout, mais à chaque fois que je célèbre, j’y ai droit. Je ne suis pas parano et ne pense pas être visé. Saint-Nicolas, Sainte-Colombe, Saint-Eloi, Centre Saint-Paul, sans compter les remplacements, les mariages, les voyages : chapelles ou églises, j’y ai droit.

A tous les coups, largement dépassé le « Ecce Agnus Dei » on doit attendre que Mss les fidèles et Mmes et Melles veuillent bien condescendre à sortir enfin de leur rangs, remonter la nef dans un air de dévotion contrite et les visages lugubres, pour s’agenouiller enfin « in spiritu humilitatis et in animo contrito ». Manœuvre finie, vous pouvez continuer l’office.

Et pendant tout ce temps-là, nous, les curés, on poirote. Pas très grave direz-vous., c’est le métier. On a signé et ça fait parti du lot. A ceci près. Faire attendre le prêtre est déjà d’une incongruité notable que vous devriez percevoir, avec un minimum d’éducation. Mais surtout « il y a ici Plus que Jonas » et même « Plus que Salomon ». Il y a donc plus que le prêtre, dont vous vous fichez, fût-il évêque, cardinal ou pape. Il y a Jésus-Christ Notre Seigneur, le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, l’Alpha et l’Omega, Le premier né d’entre les morts, en Qui tout subsiste, le Principe et la Fin, le juge des vivants et des morts… C’est Lui que vous faites poiroter. Y avez-vous songé ?

Car la psychologie de la chose, est presqu’aussi loufoque. « Quand tu es invité aux noces, ne va pas te mettre à la première place, de peur qu’un personnage plus considérable que toi n’ait été convié… ». Et comme je suis évidemment le plus misérable de l’assemblée, que je le sais et que je veux consciencieusement l’indiquer haut et fort (y a qu’à voir les têtes), je me tiens comme le publicain, à distance et je ne songe même pas à lever les yeux vers le Ciel. Très pratique, parfois, pour vous communier ! Attention qu’à trop vouloir faire le publicain, on attrape assez vite un vilain personnage de pharisien. Un faux publicain dans une peau de vrai pharisien ou un vrai pharisien déguisé en faux publicain, aurait dit Brassens.

Sans doute, vous songez à la fausse décontraction, hautaine et bourgeoise, catéchétique et empruntée de ces remontées félines de dames socialement engagées des années 70, qui allaient chercher la communion comme on défile chez Yves Saint-Laurent. Je vous le concède, c’était insupportable et je ne suis pas sûr qu’elles en fissent moins attendre le prêtre et son trésor pour autant, au contraire. Mais si la forme extraordinaire, à elle seule, vous met à l’abri de ces rodomontades, ce n’est pas une raison pour verser dans un mélodrame tragique et tout aussi ostentatoire. Le point commun de ces deux excès convulsionnaires est spirituel : « Mon Père, pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ».

Compris ou pas compris, ne nous faites plus attendre, nous et Jésus-Christ.

2)L’Angelus. (Mon ordinateur exige toujours un é que le latin m’interdit).

Les rubriques de 1962, que nous suivons statutairement, ne comportent plus les prières léonines à la fin de la messe. L’autorité du pape Léon XIII, comme la cause très noble qui lui dicta de les introduire (Les infiltrations dans l’Eglise, maçonniques et socialistes) m’interdisent d’y trouver à redire, on s’en doute. N’empêche que je n’en suis pas vraiment mécontent (on peut les réciter en privé autant qu’on voudra) parce que je leur reproche un détail qui a son importance et qui, sans doute, aura passé inaperçu à l’époque. Le prêtre est tenu de les réciter à genoux, ce qui ne convient pas.

Un prêtre en chasuble et pour ce motif précis qu’il célèbre les Saints-Mystères représente le Christ, agit dans sa personne. Liturgiquement, il est le Christ et non pas quelque délégué démocratique désigné par l’assemblée. Dès lors, comme en témoigne toute la liturgie par ailleurs et la tradition en général, il n’est jamais à genoux mais toujours debout, parfois assis. Il s’agenouille (ce n’est pas être à genoux) pour le credo de la Nativité et doit rester assis les autres jours. Certes, il fait de nombreuses génuflexions devant le Seigneur en ambassade Duquel il intercède pour les pécheurs. Mais au-delà de ce signe ponctuel de déférence et même de latrie, il reçoit les honneurs qu’on destine à son Maître. C’est indiciblement beau pour ceux qui connaissent le vrai destinataire de ces marques sublimes, qui vont jusqu’au trine encensement réservé à Dieu. Comprenne qui pourra…

J’ai donc pris l’habitude de réciter l’Angelus après chaque messe. Parce que c’est toujours l’heure, matin, midi ou soir. Je n’y oblige personne mais y invite qui veut. C’est une prière splendide, forgée au Moyen-îge florissant et destinée par les papes à repousser l’islam. Le pape Calixte III en fit l’expérience concluante en 1446 par la belle victoire de Belgrade face aux Turcs avant de l’imposer en cette intention à la chrétienté. Je trouve que c’est plus intelligent et plus efficace que de griffonner les billets de banque. Vous pourrez ainsi éviter à vos petits enfants de connaître les douceurs d’une république islamique…Le prêtre peut rester debout, comme officiant, tandis que, selon la coutume, les fidèles sont à genoux, sauf le dimanche à partir des premières vêpres, pour l’Angelus du soir. On peut le réciter en famille, avant les repas, par exemple. Je suis sûr qu’il attire bien des grâces, ne serait-ce que par la simplicité qui fait joindre, dans une même prière, la vénération pour les deux grands mystères de notre Foi : l’Incarnation et la Rédemption.

Si déjà (Ca m’étonnerait) vous ne faites pas attendre le prêtre à la communion, alors, grand luxe, apprenez les versets de l’Angelus. Ils sont sur Google, j’ai vérifié, à Angélus. Pour la bonne orthographe, voyez l’abbé Spinoza.

Messages

  • Très cher Monsieur l’abbé, bravo !

    C’est très bien de nous rappeler comment nous devons nous tenir durant la célébration de la Messe, mais ne serait-ce pas mieux de le dire ou re-dire en chaire, au bon moment, pour que les gens y pensent aussi, au bon moment ?

    Moi même, je suis toujours non pas agacée, mais énervée par ceux qui arrivent, font génuflexion, ne lèvent pas la tête ou n’ouvrent pas la bouche, ou se mettent n’importe où sur le banc de communioin !! Mais je ne suis personne pour aller le leur dire, ils penseraient et avec raison, que je me mêle de ce qui ne me regarde pas, alors que vous, les prêtres, vous devez le dire. Sans compter ce que vous ne voyez pas car vous "nous" tournez le dos ! Ceux qui restent à genoux alors qu’il faut être debout ou le contraire, ou ceux qui s’asseoient quand il faut s’agenouiller !

    Je vous dis ceci, car je pense que beaucoup sont dans le même cas que moi, nous n’avons appris que peu à peu les choses et nous sommes loin de tout savoir... Mais rassurez-vous, je pense aussi que nous sommes tellement dans notre prière, que parfois nous ne faisons pas attention à notre entourage. Nous ne sommes pas parfaits, mais nous sommes là, n’est-ce pas ?

    Bien sûr, il y a manière de dire les choses, mais vous savez si bien faire, en toute charité.

    Alors, je vous assure que si tous nos prêtres nous donnaient les bons "tuyaux", nous serions de meilleurs "fidèles".

    Avec tout le respect que je vous dois et ma sincère amitié,

    Patricia Raffray

  • Oui, j’ai remarqué aussi cette étrange coutume de fausse humilité qui est une véritable impolitesse pour le prêtre, et pour Celui qui attend.

    En ce qui concerne l’Angélus, j’ai la grande joie aujourd’hui d’habiter en face d’une église où il sonne trois fois par jour. Pas besoin de regarder l’heure, et surtout la prière s’envole au son des cloches...

    Je n’ai aucun problème à écrire Angélus : c’est devenu un mot français, et je crois même qu’il faut garder ce mot français, en ce temps de déchristianisation et d’islamisation.

    C’est surtout l’occasion de vous manifester ma sympathie, et le plaisir que j’ai à lire vos propos.

    • Une ’récréation’ certes, mais une récréation très spirituelle dans tous les sens du terme, et pleine d’humour et d’amour !

      Oui c’est vrai, on revient publicain à l’église quand on y retourne, et on devient pharisien quand on y reste, les tradis ont des excuses ils s’épient les uns les autres comme sur le FC, alors ils se singent les uns les autres, et craignent de ’mal’ faire ou de ’mal’ dire alors ils font tous pareil et disent tous pareil, enfin tout pareil, la diversité dans l’uniformité en quelque sorte !

      Quand on n’est pas tradi on n’a même pas cette excuse, et pourtant c’est pareil aussi, on est entré publicain, on est resté, on s’est habitué et on est devenu pharisien sans même s’en rendre compte, on devient pharisien insidieusement, en pensées d’abord, en actions ensuite, et en omissions bien évidemment !

      Vous aurez peu de réponses à votre si juste récréation, monsieur l’Abbé, car chacun s’y reconnaîtra, même moi qui ne suis pas tradi, mais qui aurait fait un si bon tradi !

      Une jolie fleur dans une peau de vache,
      une jolie vache déguisée en fleur
      - Georges Brassens
      Une jolie fleur (dans une peau de vache)

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