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"Tu ne mentiras pas".

dimanche 17 octobre 2010, par Abbé Philippe Laguérie

On a tous appris, au catéchisme en principe, ce qu’est le mensonge et, avec la gourmandise, c’est ce dont on s’est accusé le plus souvent au confessionnal, étant gamin. « J’ai menti, j’ai désobéi, j’ai été gourmand et j’ai frappé ma petite sœur ». Je n’avais pas cet ultime recours, pour meubler le vide, n’ayant pas de petite sœur et n’ayant jamais couru le risque de frapper une grande. Encore moins les frangins, tous plus costauds eux-aussi, pensez-donc.

Puis le temps a passé. La puberté arrive, avec son lot de problèmes et de remises en question. Jusqu’à y perdre la Foi, pour certains, hélas. Stupides, en vérité, comme si l’existence de Dieu et l’envoi de son Fils dépendaient de leur phantasmes, vaincus ou triomphants ? La littérature, la philosophie et la politique ont alors accaparé nos esprits ; nos confessions d’enfance nous ont paru bien dérisoires tant devenaient sérieuses nos agitations et nos engagements. On s’est pris pour des adultes, comme si la carte d’identité, quelques lectures et trois coups de gueule y suffisaient.

Alors, si toutefois on a gardé le sens du mal et du péché, on a oublié l’existence de ces « péchés » d’enfance. Au mieux cultivera-t-on les péchés « adultes » dont le jargon existentialiste et postconciliaire foisonne. Il est tout de même plus sérieux (et plus cool aussi) de confesser « Qu’on n’a pas su partager pleinement le charisme de la réciprocité totale de l’amour donné » plutôt que d’avouer… qu’on vient de tromper sa femme !

Cependant, à y regarder d’un peu plus près, on se retrouve exactement dans les péchés de l’enfance, oui, ceux-là même dont on rit et se gausse. Grosso modo, le mensonge, avec le prochain, aggravé subrepticement du mensonge avec Dieu et finalement du mensonge avec soi. La différence est double : ils portent maintenant sur des choses graves et on ne les voit plus du tout comme tels, jusqu’à la maladie mentale parfois.

Les mensonges des enfants portent le plus souvent sur des peccadilles et l’on sait qu’ils sont, de ce fait, toujours des péchés véniels. Tout comme ceux des adultes qui portent sur les mêmes bêtises humaines. Qu’un enfant nie avoir cassé la vitre avec son ballon ou la secrétaire d’être arrivée avec une heure de retard, il n’y a que la « locutio contra mentem » (Ce parler contre l’esprit) qui, pour être mentalement fort nuisible à son auteur, ne constitue pas une injustice grave. Et bienheureux l’adulte qui ne se commet qu’à des mensonges d’enfant !

Malheureusement les adultes mentent comme des adultes, avec toute la perversité dont la malice accumulée les rend capables, et non plus comme les enfants, juste pour se tirer d’affaire. Tout au plus les enfants accusent les autres des mêmes travers qu’eux pour se fondre dans une masse anonyme et rassurante. Sauf perversité précoce, toujours inoculée par un proche adulte, ils n’iraient pas soutenir que le mal est bien. Ils ne se mentent pas à eux-mêmes. Mais les adultes sont créatifs, ingénieux, rusés même, au mal et spécialement au mensonge. Sans aller chercher des monstres comme Voltaire, Lénine, ou Renan qui en avaient fait une méthode scientifique et avouée, nombre de nos contemporains n’estiment absolument pas mentir lorsqu’ils soutiennent par le mensonge une thèse que, par ailleurs, ils croient utile, sinon vraie. Ce machiavélisme moral et intellectuel (pas forcément politique comme son original, mais qui s’alimente aux mêmes perversités) s’est répandu tragiquement dans nos sociétés et les paralysent. Même les chrétiens sont infestés de ce virus épouvantable qui légitime le mensonge par efficacité.

C’est que le marxisme nous a passé dans le sang et voilà bien son principal héritage : la légitimité du mensonge. Toutes ses thèses se sont révélées fausses et ont été abandonnées par ceux-là mêmes qui se disaient (et se disent encore !) marxistes. Quel marxiste condamne encore la propriété privée (« C’est le vol » hurlait ce brave Proudhon), prône encore la lutte des classes comme nécessaire et bénéfique et reste persuadé que le grand soir va nous apporter, avec la société sans classe, la prospérité et le bonheur, quand tous les pays qui ont tenté le coup ont dû en sortir après hécatombe ou crever de faim, souvent les deux ? Allons donc ! Mais la Révolution (cette drogue du marxisme) est toujours là et doit s’alimenter. Ils nous ont appris à mentir politiquement et stratégiquement pendant des lustres et, sans aller chercher les tenants de la théologie de la libération, eux aussi obsolètes, les chrétiens ont reçu la leçon. La langue de bois est presque devenue un phénomène occidental, « chrétien » ! Journaliste, marxiste, menteur sont devenus, chez nous, des synonymes.

L’universelle omerta qui règne en Occident sur les ravages de l’Islam en est l’exemple le plus criant et le plus dangereux. Là-bas on lapide tranquillement des jeunes-filles de 12-14 ans qui refusent qu’on leur impose un mari ; ici, nous n’avons même pas le droit d’en parler…

Attention, je connais nombre de (petites) gens de gauche dont la probité morale est admirable, voire émouvante. Ils sont persuadés que leur vote socialiste est le vote de la charité et s’ils font confiance aux charlatans qui dirigent le parti socialiste (c’est leur erreur), eux-mêmes en sont l’exact contraire. Dans leur immense majorité, les gens de gauche ne sont pas marxistes : ils sont roulés par les marxistes, ce qui n’est pas la même chose !

Cela ne nous concerne pas, pensez-vous ? Je ne le crois pas, hélas. Le décalage grandissant entre le discours privé et le discours public du citoyen de base tient de plus en plus du grand écart et même de l’acrobatie. On se compense en privé, bêtement il est vrai, de tout ce qu’on ne peut plus dire en public. Langue de bois en public et langue de …vipère en privé. On craint la 17ème chambre et sa loi Gayssot, mais on ne craint plus du tout le jugement de Dieu. Politiquement catastrophique et moralement désastreux. Pour se cantonner sur ce dernier registre, on en arrive au prototype connu de l’Evangile : on nettoie le dehors de la coupe et le dedans est rempli de méchanceté. On repeint, de belle chaux, les sépulcres immaculés au soleil, mais le dedans n’est que pourriture et vermine. On dresse des stèles aux prophètes du passé et on lapide ceux du présent… On fait mimi avec tous les pires ennemis du Nom et l’on n’a de dureté qu’avec ses amis ou, mieux, ses frères. On filtre le moucheron chez l’homme de bien et l’on avale le chameau chez la crapule. On a les yeux de Chimène pour le « lointain » mais on traite allègrement son « prochain » de raca, d’imbécile ou de fou, sans craindre ni le jugement des hommes, ni celui de Dieu. On va communier allègrement ou on en sort tout juste, avec de jolies petites saloperies sur les lèvres. (Que les prudes se taisent : ce n’est rien de dire, le scandale est de faire). Un prêtre, un évêque même, doit se poser parfois la question de savoir s’il est encore …chrétien, si l’Evangile est encore la référence de son comportement. Mais « N’avons-nous pas prophétisé en votre nom, chassé les démons, accompli des miracles ? En vérité je vous le dis : Je ne vous ai jamais connus ». Que dire des politiques, des journalistes et des « philosophes » ? Nous, les psychologues, ne sommes-nous pas « Par delà le bien et le mal » ?

« Que votre oui soit oui, que votre non soit non ; tout le reste vient du Malin ». Il faut revenir à nos confessions d’enfant, vous-dis-je, et appeler un chat un chat et un mensonge un mensonge. Chez l’adulte, un procédé indigne. La dureté de la vie, la méchanceté des hommes (« Méfiez-vous en », dit le Seigneur) et nos légitimes combats nous autorisent-ils à mentir, à calomnier, à trahir ? Croyons-nous être efficaces au Royaume des Cieux en niant ses fondamentaux ? Riez, riez bien de votre ingénuité enfantine mais prenez-garde quand même que :

« Si vous ne redevenez comme de petits enfants, vous n’entrerez pas au Royaume des Cieux ».

Mentir aux autres est affligeant. Mentir à Dieu est impossible. Se mentir à soi, c’est l’enfer.

Messages

  • l’éducation à la vérité est un vrai défi pour les parents, tant le mensonge est présent partout. Depuis que je suis père je redécouvre à travers les enfants la pureté de la vérité et le sens de la confiance. Vous avez pleinement raison M l’abbé d’attirer notre attention sur cette question du mensonge et de la vérité à tous les niveaux, avec Dieu, les autres, et soi-même . La solution n’est elle pas de redécouvrir notre coeur d’enfant ?! Le mensonge est polymorphe, mondain, institutionnel , courtisan etc...

  • "Tu ne mentiras pas..." et tu respecteras ta parole...( ou ton engagement, ou tes idées, bref tu agiras en Homme !). Voila ce que nous devons également inculquer à nos enfants. Et à nos proches aussi, car ces valeurs fondamentales se perdent, délayées petit à petit, d’acceptations en complaisances, sans que l’on ne s’en rende vraiment compte..."Le Diable se cache dans les détails" cette simple vérité doit être rappelée sans cesse à nos enfants, mais aussi à nous même...
    Heureux de notre rencontre hier, dans l’avion de Rome et de notre échange.
    Bien à vous mon Père

  • Tu ne mentiras jamais ! dit le cardinal Barbarin !

    Si j’écoute le mot « transparent  » comme quelque chose de spirituel, cela signifie que lorsque je regarde quelqu’un dans les yeux, je sais que cette personne dit ou non la vérité. Un jour, Jésus rencontre Nicodème et dit « tiens voilà un Israélite, il ne sait même pas mentir !  » (c’est joli comme formule). Certaines personnes sont transparentes et inspirent, alors, la confiance car on sent chez elles une grande droiture. Si les propos et les actes d’une personne suscitent la tranquillité, alors on peut dire que cette personne est transparente. Pour moi, la transparence est une grande qualité humaine, personne n’y échappe. Toutefois, si transparence signifie naïveté, il faut effectivement se méfier.
    Parler vrai est une préoccupation pour tout le monde et « la vérité qui n’est pas charitable procède d’une charité qui n’est pas véritable  » nous dit Saint François de Sales. Le parler vrai nous situe sur le fil du rasoir, c’est compliqué et délicat : dire la vérité peut blesser, parfois on pense que cela va stimuler la personne et cela provoque, en fait, une blessure encore plus grave…
    sincérité n’est pas la vérité. Jésus nous dit : « Je vous enverrai l’Esprit Saint et Il vous conduira vers la Vérité.  » Cela signifie qu’il nous en manque encore un bon paquet et chacun de nous le savons !
    Avoir peur suppose un manque de confiance en soi, en sa grâce d’état, en sa mission, c’est une carence de foi. La célèbre phrase de Jean-Paul II « N’ayez pas peur !  » signifie bien que nous nous sommes monté des barrières. J’ai dit parfois à des hommes politiques qu’ils avaient peur de leurs électeurs parce qu’ils étaient prisonniers de l’idée qu’ils se faisaient de leurs électeurs : cette crainte est négative parce qu’elle paralyse. On peut aussi avoir peur de faire souffrir, de blesser : une parole que l’on juge salvatrice, si elle est mal reçue, va produire l’effet inverse. Cette appréhension-ci est positive car elle oblige à regarder l’autre avec délicatesse.
    La phrase préférée de Jean-Paul II est tirée de l’Évangile selon Saint Jean : « La Vérité vous rendra libre  » nous dit Jésus. Pour la liberté des hommes, Jésus a bravé des quantités de peurs, d’obstacles, de murs. La parole de vérité contient en elle-même une puissance de libération énorme ! Je suis très touché par les propos d’Hélie de Saint Marc qui sont comme des paroles de vie laissées en héritage : « Ne trahissez jamais !  » nous dit-il entre autres. Cela rappelle un des dix commandements dans La Bible : « Tu ne mentiras pas  ». Quelle belle parole de vie et j’ai envie de dire : « Tu ne mentiras jamais, n’est-ce pas ?  ». Pour conclure, nous pouvons imaginer Dieu parlant à chacun d’entre nous qui sommes ses enfants en disant : « Tu as compris ! Tu ne mentiras jamais !  ».
    PRINCIPALES INTERVENTIONS
    DU CARDINAL PHILIPPE BARBARIN,
    ARCHEVÊQUE DE LYON,

    LORS DES 5èmes ENTRETIENS DE VALPRÉ,
    LE 3 OCTOBRE 2006.

  • Bonjour,

    merci pour ce message auquel je suis sensible car c’est ce que j’essaye d’inculquer à mes enfants : on commence par des petits mensonges et on continue, plus tard, en s’imaginant autre que ce que l’on est. Sans compter toutes les destructions engendrées par ce péché.

    Je m’appuie sur les paroles du Christ : "La Vérité vous rendra libre". Tandis que le mensonge nous enferme et nous éloigne de Dieu.

    Jibitou, Catholique Aujourd’hui

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