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Vers la fin de la collegialité ?

mercredi 11 novembre 2009, par Abbé Philippe Laguérie

"Les évêques, en effet, sont les Héraults de la Foi qui amènent au Christ de nouveaux disciples ; ce sont des docteurs authentiques, revêtus de l’Autorité du Christ, qui prêchent au peuple commis à leur soin les vérités de la Foi à croire et à appliquer dans la vie pratique, qui éclairent ces mêmes vérités à la lumière du Saint-Esprit en tirant du trésor de la Révélation du neuf et de l’ancien, qui les font fructifier et veillent à écarter de leur troupeau les erreurs qui le menacent". Lumen Gentium n° 25.

"L’évêque, revêtu de la plénitude du sacrement de l’ordre est " l’économe de la grâce qui ressortit au suprême sacerdoce". (...) Toute légitime célébration de l’Eucharistie est dirigée par l’évêque, à qui incombe la charge d’offrir et de régler le culte de la religion chrétienne dû à la Majesté divine, selon les préceptes du Seigneur et les lois de l’Eglise, normes qu’il précise pour son diocèse, selon son propre jugement". idem, 26.

"L’évêque, envoyé par le Père pour gouverner sa famille, aura devant les yeux l’exemple du Bon-Pasteur qui est venu, non pour être servi mais pour servir et donner sa vie pour ses brebis". (...) Il ne refusera pas d’écouter ses sujets, qu’il aimera comme de vrais fils ; il les exhortera à collaborer activement avec lui, puisqu’il doit rendre compte à Dieu de leurs îmes ". idem 27.

Fin de citations. On l’aura remarqué, ce n’est pas seulement d’interprétation, mais le plus souvent d’application que le concile Vatican II a besoin ! Que n’eussions-nous eu depuis quarante années des pasteurs qui appliquent ces textes au pied de la lettre et rendent à leur troupeau les soins qu’ils leur doivent !

Car la grandeur et la souveraineté des "Pontifes" telles que nous les décrit le concile, contrastent singulièrement avec ce que nous voyons en pratique et se trouve passablement mises à mal au quotidien. Le consensus obligatoire, mais confortable, des conférences épiscopales, d’une part, et les contraintes des autorités locales mises en place au fil des ans (tant cléricales que laïques) d’autre part, écornent cruellement cette autorité de principe. Sous la poussée conjuguée de ces deux facteurs (dont le premier sert bien souvent à contenir le second), l’autorité épiscopale s’est bien plutôt effritée qu’elle n’a grandi et je vous assure que son exercice aujourd’hui doit être on ne peut plus pénible, perrilleux, crucifiant même ! Elle n’aura jamais été facile ; mais au moins les anciens évêques avaient cette liberté d’action tant horizontale (entre eux) que verticale (sur leurs ressortissants) qui leurs donnaient les moyens d’une hardiesse personnelle...

Il y a dans la collégialité une ambiguïté redoutable, quel que soit le jugement que l’on porte sur ses fondements doctrinaux (nature collégiale du corps épiscopal, par exemple, telle que décrite aux numéros 22-23 de Lumen Gentium...). En théorie, elle fut introduite par le concile pour contre-balancer le pouvoir pontifical et prit la forme d’une ampliation vraiment extraordinaire du pouvoir épiscopal : sacramentalité de l’épiscopat, responsabilisation universelle de l’évêque, plénitude spirituelle de "l’économe de la grâce qui ressortit au suprême sacerdoce" (26) etc... En pratique, malgré et pourtant à cause d’elles, les mises en place des synodes romains et l’omnipotence donnée aux conférences épiscopales (antérieures cependant au concile) se concrétisèrent par un affaiblissement considérable de ce pouvoir, ou, plus exactement, à une déresponsabilisation personnelle de l’évêque. La charge épiscopale est devenue ainsi de plus en plus inconfortable, à la limite de la "mission impossible" ! Entre les prérogatives sublimes, mais théoriques, de l’évêque et son véritable pouvoir local, c’est le grand écart permanent. Les évêques consciencieux vous l’avoueront aisément et simplement. Ils sont un peu comme le roi Louis XIII qui confessait parfois à Richelieu : "mon pouvoir réel s’arrête aux quatre pieds de mon bureau" ! D’où la tendance innée et compréhensible (non excusable pour autant) de se retrancher toujours plus derrière le consensus général pour limiter sa responsabilité. Bigre, que le concile est loin... Car les bergers eux-mêmes n’échappent pas au grégaire.

Mais attention. Un consensus, même mou, a ses limites, celles très exactement d’être un jour rompu. Il est comme un tricot ou, mieux, comme le filet qui retenait captif le lion de La Fontaine : "Sir rat accourut et fit tant par ses dents, qu’une maille rongée emporta tout l’ouvrage". Une maille, une seule, fait alors la différence. On a souvent besoin d’un plus petit que soi et les grands prélats d’un plus "évêque" qu’eux. Là, les rugissements risquent fort d’intervenir après la délivrance ! Là, l’humble et silencieuse besogne va provoquer le fracas des grandes eaux. Là, si de surcroît s’emmêle la jalousie, (l’un des deux vices principaux du clergé, aux dires de Saint-Vincent de Paul, avec l’avarice : "il nous faut de grands vices ou de grandes vertus" ), l’émulation peut faire des étincelles.

Cette heure est-elle enfin arrivée ? Il semble que oui, à lire la presse de ces derniers jours...

Notez-bien qu’en soi, la déontologie des "grands" du Royaume des Cieux ne nous regarde pas et je ne me sens aucun droit de souffler sur les braises. Mais s’ils voulaient bien y réfléchir : ils ont tous à y gagner ! Les jeunes dégourdis comme les consensuels nostagiques. Les premiers dans la joie du travail accompli, les seconds dans celle de la fierté recouvrée. Un moment de honte est vite passé. Dieu est-Il en train de nous donner ces princes par Vatican II rêvés..?

Quant à nous, les petits, les "humbles", les laissés pour compte, les marginaux, qui ne mangeons, qu’un jour sur deux, ces miettes qui tombent si rarement de la table des Seigneurs et qu’ils nous refusent le plus souvent, sortirions-nous enfin de ce cauchemar tramé au dessus de nos ventres par la morbide grisaille de l’uniformité ? De l’ennui, quoi, selon Chateaubriand.

Et puisqu’il faut absolument appliquer le concile sur ce point, allons hardiment jusqu’au bout :

"Cette charge que le Seigneur confia aux pasteurs de son peuple est un véritable service qui, dans les Saintes Ecritures, est précisément appelée "diakonia", c’est à dire ministère". Oui, un grand évêque se doit d’être un bon diacre, tant il est vrai que la faiblesse des grands fait le malheur des petits, mais leur hardiesse, le bonheur.

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