Accueil > Actualité > Dieu est... Dieu !

Dieu est... Dieu !

samedi 3 mai 2008, par Le secrétaire

Monsieur l’abbé,

La jeune femme qui a perdu la vie en tentant de sauver son enfant de trois ans est-elle bien votre nièce ? Tous deux ont péri dans les flammes ou dans les fumées. Si oui, avec votre Foi à toute épreuve, que pensez-vous des jugements de Dieu ?

Bien respectueusement.

Cécilia P. ( Vannes)

Dieu est... Dieu !

3 mai 14:19, par Abbé Philippe Laguérie

Oui, je suis bien l’oncle de cette jeune femme héroïque qui a péri en tentant de sauver son jeune garçon, de presque quatre ans, des flammes de l’incendie de leur maison. J’en suis sous le choc et mon désarroi est profond. D’autant que les faits sont proprement hallucinants. Cette jeune femme de 31 ans, douce, intelligente, joyeuse et même heureuse, parce qu’elle vient d’apprendre qu’elle est enceinte de son second (qui a bien tardé mais qui est là, dans ses entrailles, à force de prières et de neuvaines)… range tranquillement sa maison au rez de chaussée, après le petit-déjeuner pris avec son mari qui vient de partir au travail. Elle ignore qu’au premier étage sa maison est en feu ! Un homme frappe à la porte, un paysagiste, qui l’avertit : ça brule là-haut. Affolée, elle s’écrie : mon petit est là-haut ! Elle s’élance, furieusement, sauver le petit, tandis que le paysagiste court prévenir les pompiers. Elle n’en redescendra pas : on les retrouvera tous les deux au second étage, lui dans ses bras, asphyxiés. Le petit se sera-t-il réfugié là-haut pour éviter les flammes ? Elle aura présumé de ses forces ? Mais peut-il manquer de force et de circonspection à une femme qui veut sauver son enfant ? Le mystère reste entier et les fumées vont avoir raison de l’insouciance du petit comme de l’héroïcité de sa maman. Mais une chose est définitivement certaine : cette jeune femme a perdu la vie en sauvant celle de son petit, sans compter, sans tergiverser, sans calculer…

Reste un mari qui a tout perdu : sa femme délicieuse, un chérubin de quatre ans, plus angélique que terrestre, et la promesse avortée de combler de nouveau cette femme qui fait sa joie. Une mère affectueuse, ma sœur Brigitte, et fière avec ça, spécialement de son aînée qui, mélange subtile de raison et de tendresse, représente la sagesse et la référence des huit autres. Des parents consternés qui voient, en un clin d’œil, passer leur fils, travailleur, efficace, méritant, du bonheur à l’horreur.

Je peux bien les assurer de mes prières, c’est vrai. Je peux leur dire mon émotion et ils peuvent la croire, quoique je n’aime pas les hommes qui pleurent. Je peux, et je l’ai fait comme il faut, célébrer le sacrifice du Christ pour eux tous… Ils attendent aussi de moi, prêtre de Jésus-Christ pour toujours de leurs donner les raisons, les pourquois, les comments.

Je vous avoue ma naïveté de cet après-midi : j’ai relu les trois résurrections de Notre seigneur rapportées dans les Evangiles : comment fait-Il, Lui, en pareilles circonstances ? J’ai du très vite abandonner cette piste : « Je suis la résurrection et la vie… » Ce Jésus, toujours sûr de son fait (« Je sais que vous m’exaucez toujours ») sait donc parfaitement qu’Il va ressusciter Lazare dans deux minutes et en deux mots, n’en est pas moins ému jusqu’aux larmes. Il ne pleure pas, s’il vous plait ; Il est troublé dans son esprit (infremuit spiritu) et ses yeux se remplissent de larmes (lacrimatus est) ce qui n’est pas la même chose. Mais comment reproduire ce mélange si surprenant de souveraine assurance et d’exquise délicatesse ? On peut être sublime (sub-limen) mais on ne saurait atteindre et dépasser ce seuil où le Christ-Jésus évolue, seul, naturellement…

La pensée même de discuter avec Dieu, de lui demander des comptes ou de Le citer à comparaitre et rendre raison de ses décisions, est tellement étrangère à l’éducation reçue chez les Laguérie qu’elle ne m’a pas effleuré l’esprit. Cette odieuse habitude de nos contemporains de ne se souvenir de Dieu que pour l’accabler de reproches tandis qu’ils Le méprisent au jour le jour, ne m’inspire que pitié et dégout. Je suis avec Dieu, hier, aujourd’hui et pour toujours et je fais miennes les paroles de la petite Thérèse : « quand bien même Dieu me tuerait, je ne laisserais pas d’espérer en Lui ». Quant aux petits esprits que tenterait ce blasphème, je tiens à leur disposition un arsenal impressionnant des phrases les plus fortes de l’Ecriture. Job l’a très vite compris, qui, à ce petit jeu-là, avoue que Dieu ne lui laisse pas le temps d’avaler sa salive : « Où étais-tu lorsque je posais les fondements de la terre et que j’intimais à l’océan : ici se brisera l’orgueil de tes flots ». Mais surtout : « O profondeur inépuisable de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses jugements sont insondables et impénétrables ses voies ! Qui a connu la pensée du Seigneur ; qui a jamais été son conseiller ? Ou bien, qui Lui a donné le premier pour être payé de retour ? » Saint Paul, bien-sûr, (Rom 11, 33) citant Isaïe et Job. C’est presqu’intégralement qu’il faudrait citer aussi le premier chapitre de la première aux Corinthiens : « où est le sage ? Où est le docteur ? Où est le disputeur de ce siècle ? Dieu n’a-t-Il pas convaincu de folie la sagesse de ce monde ?... »

Maintenant pourquoi Hélène ? Pourquoi Ferdinand ? Pourquoi si jeunes et si beaux, au physique et bien plus encore au moral ? Dès lors qu’on a renoncé, par la Foi et en elle, à contester la sagesse de la Providence de Dieu et compris qu’Elle dispose tout avec suavité, on y voit plus clair. De nous tous, en vérité, qui était mieux disposé à paraître devant Dieu et décrocher la vie éternelle ? Les jeunes, pas encore faits ? Les autres, à moitié défaits ? Les vieux, qui ne doivent de l’être qu’à la miséricorde et la patience de Dieu ? Hélène avait sur nous tous cette prérogative que personne ne lui contestera : elle avait atteint très jeune une maturité et une plénitude dans la Foi et la Charité. Vraie fille ainée de sa famille nombreuse, au sens où nous employions cette expression pour désigner la France dans le giron de l’Eglise, elle incarnait une sagesse, une référence qui se pose et s’impose dans la douceur…Petite, je m’amusais à l’appeler Aristote. Sa piété envers la croix et le chemin de la croix, à l’instar de sa patronne, la mère de Constantin, l’avait déjà soustraite aux verroteries de ce monde. Pleine de vie et de sourire, pourtant, elle n’avait pas du tout un pied dans la tombe ; mais elle en avait déjà un dans le ciel et quelle divine logique que de les rassembler plutôt du bon côté ! D’autant que ce dernier pas est un pas de géant, celui de la générosité maternelle, instinctive sans doute, mais parfaitement assumée et consentie. Elle aura sûrement perçu l’épaisseur désespérante de la fumée : qu’importe, elle n’y laissera pas seul le fruit de ses entrailles et leur sort sera commun. Elle s’en va dans l’exemple d’une vie donnée, offerte, pour l’unique brebis de son petit bercail, qu’elle étreint encore et toujours lorsqu’ils pénètrent tous-deux sur les pîturages éternels…

C’est te dire, chère petite Hélène, que je suis très fier de toi. Je t’embrasse très fort et te bénis encore plus fort.

P.S. Les obsèques d’Hélène et de Ferdinand auront lieu le lundi 5 mai à 10h30 en l’église saint Clément de Nantes et ils seront inhumés au cimetière de Solignac en Haute-Vienne (87).

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.