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Exhortation apostolique "Sacramentum caritatis"

mercredi 21 mars 2007, par Le secrétaire

Monsieur l’abbé,

L’exhortation apostolique " Sacramentum caritatis" qui vient de paraître n’a pas du tout été commentée dans les milieux de la Tradition et fort peu dans la grande presse.

Certains passages ont plutôt l’air d’aller dans le bon sens ( demande aux futurs prêtres dès le temps du séminaire, de se former à comprendre et à célébrer la Sainte Messe en latin, à employer les textes en latin et à utiliser le chant grégorien ; aucun effort ne devra être négligé en ce qui concerne les fidèles eux mêmes, pour qu’ils sachent l’ensemble des prières communes en latin etc... etc..)

Auriez- vous la gentilesse de nous commenter ( même succinctement ) ce document ? En bref, comment l’avez- vous reçu ?

Anne Guyon - Lyon

Exhortation apostolique "Sacramentum caritatis"

21 mars 2007 22:21, par Abbé Philippe Laguérie

Chère Madame,

Effectivement, je ne vais pas vous commenter ce document dans son ensemble mais vous donner quelques impressions à chaud. D’autant que la quasi-certitude, à présent, de voir apparaître très rapidement le « Motu Proprio » modifiera considérablement la donne.

Mais tout d’abord, deux coups de cœur merveilleux, des clins d’œil peut-être, qui sait ? Jugez plutôt.

« Le sacerdoce, comme disait saint Augustin, est « amoris officium », est l’office du Bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis ». (au § 23).

Inutile de dire combien une phrase comme celle-ci, outre qu’elle donne à tout prêtre le modèle exemplaire du Bon Pasteur dans l’extrémité de la charité livrant sa propre vie, pulvérise toute autre conception d’un sacerdoce pris comme moyen de sainteté personnelle, alors que c’est très exactement l’inverse : c’est son ministère qui exige et suppose la sainteté chez le prêtre. Je suis sûr que tous mes confrères de l’I.B.P. auront reçu cette phrase comme une exhortation à poursuivre avec ferveur la route inaugurée le 8 septembre dernier.

« Les évêques impliqueront dans les nécessités pastorales (le Pape parle du manque cruel de prêtres, par endroit. Note du Blog) les instituts de vie consacrée et les nouvelles réalités ecclésiales, dans le respect de leur charisme propre, et ils solliciteront tous les membres du clergé à une plus grande disponibilité pour servir l’Eglise là où il en est besoin, même au prix de sacrifices ». (au § 25).

La volonté du Pape est très claire : utiliser tous les prêtres disponibles, ceux en particulier des instituts récents, avec leur charisme propre. C’est la vraie, la seule politique vraiment catholique pour sortir l’Eglise de la désertification qu’elle connaît dans certaines régions comme notre pauvre France. Et non pas ce fantasme inouï d’une église « adapée » un peu partout avec un prêtre, héroïque sans doute, tous les 100 kilomètres. Au Nom de Dieu, les évêques français vont-ils appliquer enfin cette solution qui serait leur honneur et leur salut ? Car de quels sacrifices parle donc le Pape ? Sans doute de ceux des prêtres ainsi lîchés dans une bataille disproportionnée à leurs forces. Mais la grammaire française permet de dire qu’il s’agit aussi bien de ceux des évêques, (seul sujet de la phrase avec cette virgule qui isole le reste), dont on sait que faire appel à ces prêtres ne leur est pas toujours forcément agréable . Si les évêques français, à la suite et à l’exemple précurseur de Mgr Ricard, voulaient bien se mettre à suivre en ce domaine la consigne très claire du Pape, on se prend à rêver. Quelques cinq cent paroisses pourraient être pourvues rapidement de pasteurs et le mouvement ainsi créé remplirait très vite les séminaires. Est-ce une idéologie qui va ainsi humilier tous les chrétiens, face à l’athéisme galopant, et pour très longtemps encore, si les évêques persistent dans ce qu’il faut bien appeler comme le Pape un recul devant le sacrifice ? Qui ne voit que ce sacrifice se changerait bien vite en fierté, en prospérité, avec en prime ce capital insoupçonnable d’admiration retrouvée ? Il y a de la place pour tout le monde, que diable, et bien davantage encore. Jusqu’à quand des prêtres au chômage (comme quelques uns de la Fraternité Saint Pierre) quand le prêtre du diocèse couvre 50, 70 ou 100 paroisses et se tue à une tîche impossible ? Oui, il est grand temps, les évêques doivent solliciter tous les prêtres disponibles et ce, même au prix de sacrifices.

Ce document est dans l’ensemble comme dans le détail une volonté de revenir à une cohérence liturgique. Une volonté de ramener la Tradition dans la liturgie, avec ses droits imprescriptibles et constitutifs. La liturgie est le lieu privilégié de la Tradition et sa quintessence, ne se trouvant dans l’Ecriture que de façon embryonnaire ; on sait aussi que, par définition, toute rupture est létale dans ce domaine comme l’a souvent souligné le Cardinal Ratzinger.

C’est à la lumière de cette volonté qu’il faut lire le §3 du document, sans doute le plus sensible et le plus névralgique ! Citons intégralement ce passage décisif :

Le développement du rite eucharistique

3. En regardant l’histoire bimillénaire de l’Église de Dieu, guidée par l’action sage de l’Esprit Saint, nous admirons, pleins de gratitude, le développement, ordonné dans le temps, des formes rituelles par lesquelles nous faisons mémoire de l’événement de notre salut. Depuis les multiples formes des premiers siècles, qui resplendissent encore dans les rites des antiques Églises d’Orient, jusqu’à la diffusion du rite romain ; depuis les indications claires du Concile de Trente et du Missel de saint Pie V jusqu’au renouveau liturgique voulu par le Concile Vatican II : à chaque étape de l’histoire de l’Église, la célébration eucharistique, en tant que source et sommet de la vie et de la mission de l’Église, resplendit de toute sa richesse multiforme dans le rite liturgique. La XIe Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques, qui s’est déroulée du 2 au 23 octobre 2005 au Vatican, a exprimé en regard de cette histoire un profond remerciement à Dieu, reconnaissant que l’Esprit Saint la guide activement. Les Pères synodaux ont en particulier constaté et rappelé l’influence bénéfique que la réforme liturgique réalisée à partir du Concile œcuménique Vatican II a eue pour la vie de l’Église. (5) Le Synode des Évêques a eu la possibilité d’évaluer la réception de cette réforme après les assises conciliaires. Les appréciations ont été nombreuses. Les difficultés et aussi certains abus qui ont été relevés ne peuvent pas masquer, a-t-il été affirmé, que le renouveau liturgique, qui contient encore des richesses qui n’ont pas été pleinement explorées, est bon et valable. Concrètement, il s’agit de lire les changements voulus par le Concile à l’intérieur de l’unité qui caractérise le développement historique du rite lui-même, sans introduire de ruptures artificielles.

A propos duquel nous ferons les remarques suivantes :

L’admirable développement, fruit du Saint-Esprit dont parle le Pape avec action de grâces porte sur tous les rites anciens et va jusqu’au renouveau voulu par le Concile Vatican II. Il n’inclut pas le rite nouveau, quoiqu’il en soit de sa conformité ou non avec ledit renouveau. Comme dit l’autre, c’est peut-être un détail pour vous… pas pour moi !

Le pape attribue aux pères synodaux le constat bénéfique de la réforme liturgique elle-même. Il ne le fait pas sien. On sait combien le Pape a eu de difficultés, au cours du synode lui-même, sur ce point et qu’il a été contré par un grand nombre de pères sur le seul fait de parler de la liturgie traditionnelle. Il suffit de se souvenir de la presse de l’époque.

Enfin, et on reconnaît-là la signature personnelle du Pasteur Commun, le Pape propose de poursuivre l’évaluation, inaugurée au Synode, de la réception de la réforme liturgique proprement dite. Il mentionne que cette réception a connu des difficultés et des abus quoique les pères synodaux (encore eux !) n’y aient vu que du bon et du valable et des richesses non encore explorées. Le Pape introduit alors, en matière liturgique, l’herméneutique de la continuité qu’il avait si bien campée en matière doctrinale dans son document du 22 décembre 2005 à la Curie. Le nouveau rite n’est plus mentionné : il faudra lire les changements voulus par le Concile dans la continuité de la liturgie de toujours en supprimant les éléments qui constituent une rupture artificielle.

C’est de l’art, du très grand art ! A tous ceux qui, comme moi, ont été surpris et quelque peu déçus par une première lecture superficielle de ce paragraphe, je dis : relisez-le à la loupe. Nous tous qui savons, pour l’avoir vécue, la violence, l’injustice et bien souvent les scandales qui ont parsemé cette réforme liturgique postconciliaire, nous devons comprendre que les choses changent et rondement. A ceux qui pensent que les choses ne vont pas assez vite, qu’il faudrait être encore plus clair, je dis tout net : c’est de la gaminerie ! Voilà 30 années que rien ne bougeait, que l’effondrement de la vie chrétienne se poursuivait, morne et inexorable et, en même pas deux ans, nous voici à la veille d’un retour de la messe grégorienne et d’un alignement du nouveau rite sur la base d’une herméneutique de continuité, donc de tradition. Quand on sait les réticences, les craintes et la lenteur du cosmos épiscopal ; quand on sait les préjugés, l’idéologie dominante et militante de bon nombre d’entre eux ; quand on sait la fureur aussi de quelques-uns qui sautent immédiatement dans l’avion pour Rome, depuis de nombreuses années, dès qu’il entendent chuchoter qu’on pourrait éventuellement ramener la Tradition liturgique (qui leur fait, semble-t-il, bien plus peur que la désertification de leur diocèse) : tout cela tient d’un miracle qu’il faudra peut-être utiliser un jour à bon escient…

Souvenez-vous qu’en 1986 le Pape Jean-Paul II a réuni une commission de neuf cardinaux pour leur poser deux questions : le missel du Pape Pie V a-t-il été abrogé et faut-il le réintroduire dans l’Eglise ? Huit des neuf cardinaux avaient répondu non à la première et oui à la seconde. Il se passa alors une chose incroyable : il ne se passa rien. Sauf que les compagnies Air-France et Alitalia s’étonnèrent de transporter autant d’évêques en si peu de temps !

Je n’ai abordé que quelques points de ce document préparatoire capital, bien succinctement. Mais tout de même le paragraphe le plus délicat, reconnaissez-le. Mille autres passages sont de nature à donner l’espoir que le renouveau liturgique est proche. Relevons la tête, mais surtout prions plus ardemment pour que ce qui est annoncé si clairement voit cette fois-ci le jour, pour la gloire de notre Eglise Catholique. Que son éternelle jeunesse soit renouvelée comme celle de l’aigle. (Psaume 102, verset 5)

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