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L’IBP à Marseille ?

mardi 6 novembre 2007, par Le secrétaire

Cher Monsieur l’abbé, voici ma question :

Comment l’IBP peut-il s’installer à Marseille sans avoir l’accord de l’évêque ? Existe-t-il des articles du Code de Droit Canon qui vous le permettent ou
bien refaites-vous Saint Nicolas du Chardonnet dans la capitale phocéenne ? Dans le deuxième cas, puis-je vous dire respectueusement combien je trouverais cette idée fort peu lumineuse même si, à Marseille, le jeu en vaudrait bien la chandelle ?

En vous remerciant d’éclairer ma lanterne et celle de beaucoup qui suivent votre action avec sympathie...

Emmanuel Buffet - Langon

L’IBP à Marseille ?

6 novembre 2007 00:46, par Abbé Philippe Laguérie

Cher monsieur,

Merci de me poser sereinement la question qui agite fébrilement les esprits. L’I.B.P. et son fougueux modérateur sont-ils en train de faire des fondations sauvages au risque de contrister Rome - qui les soutient, c’est une évidence - et de donner des arguments aux évêques français. En un mot, cherchent-ils le bîton pour se faire battre ?

Vous noterez tout d’abord que ce sont massivement les partisans de la Fraternité saint Pie X qui reprochent à l’I.B.P. cette prétendue illégalité. C’est assez amusant et quelque peu cocasse ! Bref, ils jouent les vierges effarouchées, eux qui transgressent joyeusement et habituellement les juridictions en place et se font gloire de leur affranchissement général de la loi, pour reprocher aux honnêtes citoyens leurs « incartades ». C’est l’ivrogne qui conduit à 140 km/h dans un village et hurle sur le piéton qui traverse en dehors des clous. L’Evangile dit mieux : « filtrer le moucheron et avaler le chameau ».

D’autant, on va le voir, qu’il n’y a pas plus de moucheron que d’arête dans une dinde ! De quoi s’agit-il, en effet ?

Le droit canon est très strict au sujet de l’implantation d’une maison religieuse (qu’elle soit une communauté de vie religieuse ou une communauté de vie apostolique : les canons des uns renvoient aux autres) dans un diocèse : rien ne peut se faire sans l’accord explicite et écrit de l’évêque. C’est d’ailleurs tout à fait normal : comment l’ordinaire du lieu pourrait-il subir la création d’une quelconque instance catholique dans son diocèse ? Ce serait la négation de son pouvoir.

Qu’il s’agisse d’une paroisse, d’une chapelle et même d’un oratoire privé : la même autorisation est requise. On ne peut pas jouer là-dessus : l’ancien et le nouveau code de Droit Canon sont formels. Le débat n’est donc pas là.

Une première question se pose lorsque l’évêque, dûment sollicité, fait le mort. Qu’il n’y a pas moyen de le rencontrer, qu’il ne répond pas aux courriers, qu’on ne peut obtenir de lui aucun échange, écrit ou oral. Bref, qu’il n’y a pas moyen de connaître son opinion. Ne croyez pas que je pose ici une question spéculative : à ce jour cinq évêques français ont refusé de me recevoir ou même d’avoir un simple échange épistolaire courtois. Une vingtaine m’ont reçu très sympathiquement et nous sommes en relation, heureusement. Mais cette première question, qui en pose beaucoup d’autres, je vous le concède, n’est pas dirimante : puisqu’il faut l’accord de l’évêque et qu’on ne peut pas l’obtenir, le présumer n’est pas possible. On peut tout au plus déplorer leur absence et craindre, dans ce dialogue, une certaine herméneutique de la rupture…

Le vrai et décisif argument est tout autre et je m’étonne qu’il puisse échapper aux fins limiers qui dégoisent à longueur de journée sur le net. Le Motu Proprio rappelle un argument classique et nouvellement appliqué au rite traditionnel : tout prêtre « idoine » peut célébrer sa messe privée, sans aucune autorisation de qui que ce soit (art 2). De plus, les fidèles qui le souhaitent peuvent profiter de son ministère, assister à sa messe (art 4). Ces possibilités, offertes très explicitement par le Motu Proprio, ne constituent en rien la création d’une paroisse, d’une chapelle (au sens canonique) ni même d’un oratoire privé. Et partant, ne tombent pas du tout sous les interdictions du Droit Canon en la matière. N’est-ce pas aussi l’expression du bon sens le plus élémentaire ? Un prêtre catholique célèbre une messe catholique et des catholiques y assistent. Pas de quoi en faire un fromage.

L’ordinaire du lieu peut toujours interdire le ministère canonique, les célébrations publiques etc... refuser d’écouter, de recevoir ; et même condamner sans appel des gens qu’il ne connaît pas et refuse de connaître. C’est sa responsabilité devant Dieu, son seul juge avec le Pape. En revanche, Il ne peut canoniquement interdire la célébration privée de prêtres idoines, pas plus que l’assistance des fidèles désireux. Il y faudrait des fautes très graves, prévues par le Droit et qu’il ne peut inventer.

En outre, et dès lors que nous nous abstenons du ministère publique et de la charge des îmes, qui relève de l’évêque, toute immixtion dans les affaires internes d’une société de vie apostolique, de Droit pontifical par surcroît, est un abus manifeste de pouvoir. Le canon 738 §1 et 2 est très précis à ce sujet : « Tous les membres (des sociétés de vie religieuse ou apostolique) sont soumis à leurs propres modérateurs selon les constitutions en ce qui regarde la vie interne et la discipline de la société ». « Ils sont soumis à l’évêque diocésain en ce qui regarde le culte public, la charge des îmes et les autres œuvres d’apostolat ». On constate donc qu’un évêque qui intervient auprès de prêtres d’un institut, en dehors d’un apostolat public qu’il n’aurait pas cautionné, abuse manifestement de son pouvoir.

Ce qui veut dire que l’I.B.P. a parfaitement, et en tous points, respecté le droit de l’Eglise et que ceux qui disent le contraire sont de simples voyous, qui utilisent faussement contre nous un droit canon qu’ils ne respectent pas.

Quant à la volonté expresse du Pape, plusieurs fois édictée, de voir les Instituts de vie apostolique prendre une part active au sein des diocèses, il me semble qu’elle lie les évêques, non ? « Les évêques impliqueront dans les nécessités pastorales les instituts de vie consacrée et les nouvelles réalités ecclésiales, dans le respect de leur charisme propre et ils solliciteront tous les membres du clergé à une plus grande disponibilité pour servir l’Eglise là où il en est besoin, même au prix de sacrifice » (Sacramentum Caritatis § 25). On trouve déjà cette même doctrine sous la plume du Cardinal Ratzinger dans une conférence de 1998.

L’évidente bienveillance du Motu Proprio en ce domaine devrait rapidement franchir les Alpes sans rien perdre de sa bonté ! A ces fidèles désemparés de voir les choses n’avancer pas assez vite, je redis la phrase du Pape (art 7) : « l’évêque est instamment prié d’exaucer leur désir ».

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