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La glorieuse Ascension du Seigneur.

vendredi 14 mai 2010, par Abbé Philippe Laguérie

C’est d’abord un fait historique, attesté par les Actes des Apôtres et par les synoptiques, comme en témoignent les lectures du jour. Devant cinq-cents témoins, précise Saint-Paul aux galates.

Mais c’est aussi un mystère de notre Foi, comme l’affirme la liturgie dans le célèbre « Unde et memores » (juste après la consécration). Oui, un des trois mystères célébrés à chacune de nos messes : la bienheureuse passion, la résurrection d’entre les morts mais aussi la glorieuse Ascension dans les cieux. Voila ce que nous offrons à la Majesté divine et qui fait appeler notre messe catholique du plus beau nom qu’elle n’a jamais eu sous le ciel : Les Saints Mystères. Trois mystères sont célébrés à chaque messe : la bienheureuse passion, qui en fait le sacrifice du Nouveau testament, mais aussi sa ratification par Dieu dans le triomphe de la Résurrection et l’exercice du sacerdoce céleste du Seigneur, inauguré et réalisé par sa glorieuse Ascension.

Le Seigneur avait dit et répété aux apôtres, affligés par l’annonce de sa disparition prochaine, qu’il leur était bon qu’Il s’en aille. Quand on sait combien ils l’aimaient, malgré l’incompréhension radicale de son mystère personnel, cette annonce leur était insupportable ; aussi bien qu’elle nous laisse, deux mille ans plus tard, une nostalgie diffuse, à ne considérer que le départ de ce premier Paraclet, comme Jésus se qualifie Lui-même.

Raison supplémentaire pour méditer le mystère que constitue l’Ascension glorieuse, plein d’une indicible joie, comme en témoignent les mille alléluias liturgiques qui le ponctuent. Ce mystère consiste dans l’activation du sacerdoce céleste du Seigneur, source de toutes les grâces. Non pas seulement dans le fait que Jésus va nous envoyer l’Esprit-Saint, ce second paraclet qui le remplace. Sans attendre la Pentecôte, Jésus siège immédiatement à la droite de la majesté divine. Comme dit admirablement le « Communicantes » propre de la messe qui célèbre : « Ce jour très saint en lequel Notre Seigneur, Fils unique, place à la droite (in dextera collocavit) de la gloire (de Dieu) la nature de notre fragilité, qu’Il s’est uni ».

Cette Session, à la droite de la Majesté divine, n’est pas une représentation imagée du fait historique de la fête. Elle est l’affirmation du mystère qui la constitue. Le fait de siéger à la droite du roi (ce que faisaient les rois de Juda un peu avant leur mort pour investir leur fils- successeur de toute leur autorité) indique que Jésus, comme Verbe, intronise et investit son humanité de toute la puissance de sa divinité et des mérites infinis de son sacrifice rédempteur. Ce fait est totalement nouveau : un homme, Jésus de Nazareth, (Homo Jésus-Christus dira audacieusement Saint-Paul à Timothée) siège à la droite du Père et Lui parle d’égal à égal. Il faut citer ici la vision de Daniel (7, 13) : « Je regardais dans les visions de la nuit et voici que, sur les nuées, vint comme un fils d’homme ; il s’avança jusqu’au Vieillard (Dieu) et on le fit approcher devant Lui. Et il lui fut donné domination, gloire, règne, et tous les peuples, nations et langues le serviront. Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera jamais détruit ». On sait que Jésus s’est continuellement attribué cette expression « fils de l’homme » jusqu’à la revendiquer hautement devant Caïphe qui va prononcer sa sentence de mort. Ce passage de Daniel est incompréhensible, voir scandaleux, pour tout non chrétien. Le Coran nous condamne sans cesse sous l’étiquette « d’associateurs ». Effectivement, avec Daniel et tout l’Evangile, nous associons franchement ce mystérieux Fils d’homme à la souveraineté de l’Ancien des jours et nous affirmons hautement que son nom d’homme est Jésus de Nazareth. A quoi aurait du réfléchir Caïphe au moment de condamner Celui qui l’avertit solennellement de son investiture prochaine. Cette scène de Daniel se réalise le jour de l’Ascension où Jésus place son humanité à la droite de la majesté, l’homme de Nazareth devenu l’égal du Tout-Puissant.

C’est là que commence son sacerdoce céleste. Jésus est constitutivement prêtre par le mystère de son incarnation, certes. C’est comme prêtre qu’Il s’offre sur la croix. Mais le jour de l’Ascension inaugure l’exercice céleste de son sacerdoce terrestre. Deux choses sont requises de tout prêtre : qu’il connaisse et partage les misères de ceux auprès desquels il est en ambassade (Unitam sibi fragilitatis nostrae substantiam !) et qu’il jouisse d’une capacité d’intercession aussi vaste que l’exige la majesté de son interlocuteur divin. Deux prérogatives qui ne sont réunies que sur la tête de Jésus de Nazareth et ne peuvent l’être sur aucune autre. Notre sacerdoce ne saurait être qu’instrumental et prolonger celui du Christ.

Deux textes (au moins) du Nouveau Testament nous révèlent l’activité inlassable de Jésus à la droite du Père, toujours éminemment sacerdotale. L’épitre aux hébreux (7, 25) nous Le montre « Toujours vivant pour intercéder sans trêve en notre faveur ». Saint Jean dit exactement la même chose (1 Jn 2, 1) : « Si quelqu’un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le Juste ».

Sans cette activité céleste de notre Sauveur triomphant, nous ne serions, prêtres de la terre, que des pantins et des charlatans, jusque dans les sacrements que nous donnons (à bon droit et sur l’ordre du Seigneur, pourtant) et qui n’ont d’efficacité que celle que leur confère Jésus siégeant à la droite du Père. Le prouve admirablement la sublime prière du canon de la messe, juste après la consécration, déjà parfaitement réalisée cependant. Je la cite intégralement, chaque mot pèse très lourd.

« Supplices te rogamus, Omnipotens Deus : Jube haec perferri per manus sancti Angeli tui in sublime altare tuum, in conspectu divinae majestatis tuae : ut quotquot ex hac altaris participatione, sacrosanctum Filii tui corpus et sanguinem sumpserimus, omni benedictione celesti et gratia repleamur… ». En suppliant, nous vous demandons, Dieu Tout-Puissant : donnez l’ordre que ces choses (les oblats qui reposent sur l’autel, le corps et le sang du Seigneur) soient portées par les mains de votre saint Ange (Majuscule impérative) sur votre sublime autel, au regard de votre divine majesté : pour qu’à chaque fois (quotquot !) que nous aurons absorbé (futur antérieur) le corps et le sang de votre Fils en participant de cet autel (celui de la terre, bien-sûr) nous soyons comblés de bénédiction céleste et de grâce.

On ne peut mieux exprimer le rôle du Christ assis à la droite et s’acquittant de ses fonctions célestes. L’efficacité de chaque sacrement, la messe ici, n’est réalisée que par Jésus qui ratifie, présente et rend efficace l’économie sacramentelle qu’Il a confiée à son Eglise avant son départ. Elle en enlève tout automatisme, causalité mécanique, et partant routine. L’efficacité de nos sacrements est un fait vital, spirituel, action personnelle, hic et nunc, du Christ sans Lesquels ils seraient vains. Quelques précisions :

L’ange ne peut être que Notre Seigneur. Rarement appelé « ange » par l’Ecriture pour éviter toute confusion avec ces simples serviteurs de Dieu (Cf. Heb 1), il est pourtant l’Envoyé par excellence, l’Ange du grand conseil, au singulier (Isaïe 9, 5, Introït de noël). Le rôle sacerdotal et unique de l’ange du « Supplices » écarte absolument tout ange du rang (fût-ce Saint Michel) comme tout homme (fût-ce Melkisedech).

C’est cet ange qui s’empare de l’offrande terrestre, rien moins que le corps et le sang du Seigneur, pour la présenter à Dieu, avec cette autorité qui la rend acceptée et donc efficace au ciel. Le lien de causalité entre cette action et l’efficacité des fruits obtenus est clairement énoncé. Sans cette offrande sur l’autel céleste, celui de la divine majesté et sous son regard, ni bénédiction ni grâce sur l’autel terrestre, où repose pourtant le corps et le sang du Seigneur que nous allons consommer.

Enfin le « Quotquot » est inénarrable. Il a le sens d’un coup par coup, toutes les fois que. Ainsi Horace : « Quotquot eunt dies », autant que s’écoulent les jours, pour autant qu’il y en a. C’est dire que l’intervention du Saint Ange est chaque fois nécessaire, que c’est son action qui, toujours et chaque fois, rend effectif dans le ciel ce que nous accomplissons sur terre. La verticalité de nos sacrements est impressionnante et l’on comprend mieux les affirmations difficiles du Seigneur : « Il vous est bon que je m’en aille » ou encore « Voici que je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles » !

Vous étiez tristes le jour de l’Ascension parce que le cierge s’est éteint et que Jésus disparaît derrière la nuée ? Bon, c’est déjà pas mal et tîchez d’éviter le torticolis. Mais notre Foi, par la résurrection du Christ et l’Espérance vivante de son efficacité céleste, nous acheminent vers la Charité qui va inonder la terre. Si l’aimante épouse du Christ se réjouit si fort le jour de son départ, c’est qu’il y a un profond mystère, vous dis-je ; celui d’une efficacité plus éclatante encore du Christ céleste sur le Christ terrestre, même ressuscité.

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