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Les hommes des derniers temps.

jeudi 26 août 2010, par Abbé Philippe Laguérie

Les descriptions du Nouveau Testament, principalement celles de Saint-Paul, concernant la malice humaine en général et celle des hommes des derniers temps en particulier, sont saisissantes de violence et de vérité. Commençons par les relire. C’est roboratif, garanti.

Rom 1, 29-32. Elle vise les hommes en général, avant la justification que procure la Foi.

« Remplis de toute espèce d’iniquité, de malice, de fornication, de cupidité, de méchanceté, pleins d’envie, de pensées homicides, de querelles, de fraude, de malignité, semeurs de faux bruits, calomniateurs, haïs de Dieu, arrogants, hautains, fanfarons, ingénieux au mal, rebelles à leurs parents, sans intelligence, sans loyauté, implacables, sans affection, sans pitié ; et bien qu’ils connaissent le jugement de Dieu déclarant dignes de mort ceux qui commettent de telles choses, non seulement ils les font, mais encore ils approuvent ceux qui les font ».

Ca commence très fort ! Mais ce sont surtout les « Pastorales » qui fustigent le vice comme l’apanage des derniers temps. Ainsi, et pourtant contre les récents gnostiques 1 Tim 4, 1-3 :

« Mais l’Esprit dit formellement que, dans les derniers temps, certains abandonneront la Foi, s’attachant à des esprits séducteurs et à des doctrines inspirées des démons, par des menteurs hypocrites, marqués au fer rouge dans leur propre conscience, qui proscrivent le mariage et l’abstinence d’aliments créés par Dieu pour les croyants, ceux qui ont reconnu la vérité, et en usent avec actions de grâce ».

Curieusement, ce texte, qui condamne des pratiques gnostiques récentes, les donne comme une caractéristique des hommes des derniers temps. Mais nous avons la plus célèbre description, globale en soi, mais spécifique des derniers temps en 2 Tim 3, 1-7 :

« Sache ceci : que dans les derniers jours surgiront de durs moments. Les hommes, en effet, seront égoïstes, fanfarons, orgueilleux, blasphémateurs, rebelles à leurs parents, ingrats, impies, sans cœur, sans loyauté, calomniateurs, sans frein, sauvages, ennemi du bien, traitres, emportés, enflés d’orgueil, amis de la volupté plus qu’amis de Dieu, avec les dehors de la piété tout en ayant rejeté son pouvoir : éloigne-toi de ces gens-là. Ils sont de ces gens-là ceux qui s’insinuent dans les maisons et captivent des femmelettes chargées de fautes, menées par toutes sortes de passions (les femmes), toujours en quête d’apprendre sans pouvoir jamais parvenir à la connaissance de la vérité (il s’agit de ces hommes) ».

Saint Paul complète un peu plus loin sa description (4, 3) dans ce texte célèbre de la messe des docteurs :

« Un temps viendra où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine mais, au gré de leurs désirs, se donneront une foule de maîtres, l’oreille leur démangeant, et ils détourneront l’oreille de la vérité pour se tourner vers des fables ».

Il est particulièrement instructif de comparer la description des Romains, qui vise les hommes pécheurs de tous les temps, avec celle à Timothée qui stigmatise les hommes des derniers temps, nos contemporains peut-être ? Il y a forcément le fond commun de la perversité humaine dans l’une et l’autre description. Ce fond est d’abord l’impiété (Iniquité dans Rom et Blasphème dans Tim). On notera cependant que le blasphème est bien plus agressif que l’iniquité, même si l’un et l’autre s’en prennent à Dieu. On peut mépriser Dieu sans le blasphémer. Cette impiété est aussi celle vis-à-vis des parents et de l’autorité en général, épinglée pareillement et dans les même termes : « rebelles à leurs parents ». On se doute qu’un homme qui n’a aucun respect de Dieu ne saurait respecter non plus les autorités par Lui établies. Nous verrons plus loin la manière moderne de gérer cette impiété-là. On dirait que le pécheur classique est « haïs de Dieu » tandis que le moderne hait Dieu…

Logiquement, la deuxième tare commune est un orgueil prométhéen. Coupé de Dieu et en révolte contre Lui, l’homme devient son dieu à lui-même. Les termes sont les mêmes : « orgueilleux, fanfarons, arrogants ». A ceci près que les derniers sont « enflés d’orgueil » ajoutant quelque chose de réflexif et de systématique. Ce culte du moi qui devient la nouvelle religion, parait pratique et fonctionnel en Rom. L’homme vit mal et, se débarrassant de Dieu pour des raisons morales, il s’en tient lieu. « Leur Dieu, c’est leur ventre » dit Paul de ceux qui se perdent. Mais, en rapprochant les textes de Tim avec ceux de la description de l’Antéchrist en 2 Thess 2, 3-10 (« L’homme de péché » qui peut être considéré aussi comme générique des hommes des derniers temps) on comprend que cette rage de se substituer à Dieu jusqu’à prendre sa place et ses honneurs est cultuelle et non morale. L’iniquité devient le « Mystère d’iniquité » où il semble que le culte de soi est devenu la raison des licences et non l’inverse. Phénomène ultra moderne qui n’a plus rien à voir avec les explications ingénues et touchantes de Lucrèce qui nous expose tranquillement, au début de son « De natura Rerum » qu’il va se débarrasser des dieux car ils incommodent son ataraxie… Même dans leur partie commune, ces deux textes sont déjà bien différents.

Un autre trait commun de ces deux descriptions est la méchanceté, la dureté, l’absence de pitié, de cœur, de miséricorde, d’hommes implacables, sans affection. Rien d’étonnant. On peut aussi noter un dernier point commun qui est la débauche des mœurs. Mais là encore, alors que le débauché de base est fornicateur, impudique, cupide et plein d’envies, l’homme des derniers temps est simplement « amis des plaisirs plus que de Dieu ». Il n’a même plus les moyens de sa débauche. Il est plus tordu dans sa tête que dans ses mœurs comme on va le voir : c’est un eunuque. Toute sa malice est intérieure parce que c’est un impuissant.

Les différences de ces deux terribles descriptions n’apparaissent pas à première lecture ; elles sont pourtant notables. Il y a entre elles-deux une perversion de l’esprit qui s’y ajoute jusqu’à détruire la perversion « naturelle », « normale » allais-je-dire ! Le chrétien sait qu’il n’y a pas de perversion naturelle mais que la nature est corrompue, ce qui n’est pas du tout la même chose. Tant que la justice, qui vient du Christ par la Foi en Lui, n’est pas conférée par grâce, l’homme s’adonne au vice sur la pente naturelle et même jusqu’au péché contre-nature, comme en témoigne le premier chapitre de l’épitre aux romains qui commence sa liste par les …lesbiennes ! En Romains 1, Saint-Paul explique que les vices contre-nature, inexplicables par eux-mêmes, sont la conséquence voulue par Dieu de l’athéisme, comme une miséricorde de Dieu qui glisse un vice honteux pour faire prendre conscience d’un plus terrible parce que « honorable ». Sans préjudice pour ces vices communs, Saint-Paul, en 2 Timothée, laisse entrevoir une corruption autre, nouvelle, moins violente, moins spectaculaire et plus perverse encore. La voici.

« Toujours en quête d’apprendre sans jamais parvenir à la connaissance de la vérité ». Cette disposition perverse du chapitre 3 est précisée au 4 : « Ils ne supporteront plus la saine doctrine, mais au gré de leurs désirs se donneront une foule de maîtres, l’oreille leur démangeant, ils détourneront l’oreille de la vérité pour la tourner vers des fables » Finalement on en arrive à 1 Tim : « Ils sont marqués au fer rouge dans leur propre conscience ».
Voilà bien la perversité spécifique des hommes des derniers temps. Ce n’est plus une perversité morale, même si, évidemment, elle ne l’exclut pas. C’est une incompréhensible vanité, démangeaison, prurit qui déglutit, avale, rejette, brasse tout et n’importe quoi, mais exclusivement des fables. Le vrai et le faux n’ont plus ni consistance ni intérêt. On leur demande simplement de chatouiller un instant les oreilles. Les « maîtres » valsent au gré des caprices momentanés, seule compte la démangeaison assouvie de celui qui se gratte. La vie intellectuelle n’est plus qu’un jeu dialectique en roue libre plus éphémère encore que les modes vestimentaires. C’est la maladie mentale de celui qui se complait à être « emporté à tout vents de doctrine ». Avouez qu’il faut être un grand prophète, comme l’étaient tous les Apôtres, pour prévoir, 2000 ans à l’avance, cette décrépitude mentale dont les philosophes modernes donnent quotidiennement l’exemple.

Un autre prophète du Nouveau Testament, l’Apôtre Saint Jude, auquel je laisse la conclusion, a bien décrit aussi ces hommes à la perversité bien plus mentale que morale (1, 8-10 et 12) :

« Ces hommes dans leur délire souillent pareillement leur chair, méprisent la Souveraineté, injurient les Gloires (…) Ils blasphèment tout ce qu’ils ignorent et quant à ce qu’ils connaissent naturellement, comme des bêtes sans raison, ils s’y corrompent (…) Ils sont des écueils dans vos agapes où ils font impudemment bonne chère, ne songeant qu’à se repaître eux-mêmes ; nuées sans eau, emportés au hasard des vents, arbres d’automne sans fruits, deux fois morts, déracinés. Vagues furieuses de la mer jetant l’écume de leur honte, astres errants auxquels d’épaisses ténèbres sont réservées pour l’éternité ».

"Vagues furieuses, Astres errants". C’est joliment dit, en plus !

Messages

  • Votre exégèse soulève chez moi quelques questions pressantes :
    - Cela fait 2010 ans que les derniers temps ont commencé, ce que j’ai tendance à trouver excessivement long : dois-je prier pour que le Christ hâte son retour ou plutôt prier pour qu’il prenne patience (encore un peu) pour me laisser le temps de me convertir ?
    - Si je prie pour voir de mes yeux la parousie, est-ce normal ou suis-je tordu, égocentrique et égoïste ? Je me suis fait engueulé par ma fille parce que j’ai dit à table que j’aimerais voir l’apocalypse de mon vivant. Elle m’a dit : "Tu es un parfait égoïste, toi ça t’arrange parce que tu as déjà vécu pas mal de choses, mais moi j’ai à peine eu le temps de goûter les saveurs de la vie."
    - Les derniers temps ayant commencé avec l’incarnation, les "hommes des derniers temps" sont-ils de manière générique les hommes d’après le Christ ou y a-t-il plus spécifiquement des hommes dont on pourrait dire qu’ils sont des "tout derniers temps", c’est-à-dire contemporains, d’un point de vue historique et à l’échelle humaine, du retour du Christ ?
    - L’antéchrist est-il une personne ou, comme vous dites, le "générique des hommes des derniers temps" ?
    Je sais que cela fait beaucoup, voyez si vous avez un peu de... temps.

    • Cher monsieur,

      Vos questions sont vraies et drôles à la fois. Merci !

      Dites à votre fille que la conversion des juifs, prévue par Saint-Paul, doit intervenir avant la parousie, ce qui lui laisse assez de marge.... Non pour "profiter" de la vie, mais pour se sanctifier plus durablement. Et tant pis pour vous !

      L ’Antéchrist est bien une personne individuelle et non un collectif, telle qu’elle se dégage de la lettre aux Thessaloniciens et de l’Apocalypse.

      Enfin, les derniers temps sont ceux que nous vivons depuis le premier avènement du Christ. Saint-Paul (Aux Hébreux en particulier) est formel sur ce point. Mais le dernier chapitre d’un livre peut être assez long, en effet. Donc, gardez votre patience. Et je ne crois pas que le sort de ceux qui verront la parousie soit enviable à ce point. "Sécher de frayeur" n’est pas vraiment confortable...En tous cas, bravo pour votre zèle.

  • Monsieur l’Abbé, je découvre votre texte du mois d"août en visitant votre blog et vous remercie de cette belle synthèse de l’Ecriture Sainte sur ce sujet.
    Certes, nous vivons depuis deux millénaires, les temps apocalyptiques. Bien des indices nous montrent qu’ils parviennent à leur terme.
    Mais s’y attacher de trop ne serait-il pas tenter de percer le plan du Père ?
    N’avons nous pas, chacun, à vivre, dans un délai indéterminé mais forcément court, notre dernier temps personnel qui nous jettera, sans préliminaires, aux pieds de Celui a qui a été remis tout pouvoir ?
    Faut-il perdre son temps à percer la signification chronologique des signes ou faut-il simplement les prendre comme nous percevons les premiers signes du printemps.
    L’enfant bouge beaucoup dans le ventre de sa mère quand vient l’heure de naitre. N’est-ce pas cela que veut dire l’Apôtre quand il décrit les douleurs de l’enfantement de toute la création ?
    La description de l’homme des derniers temps est terrible. Mais heureusement, pour lui aussi, existe la communion des saints et la prière de l’Eglise au ciel et sur la terre.
    "Dieu ne refuse rien à ceux qui L’aiment".
    Confiance.

  • Je ne suis pas pressé de voir "la fin des temps" sinon qu’elle doit nécessairement signifier "un renouveau du temps". Tout est éternel, enfin presque (les atomes ne le sont pas, mais durent assez longtemps)

    A voir et regarder les hommes qui composent ce monde aujourd’hui, je me demande bien volontiers si tout cela durera ? Composé d’hommes aux mémoires courtes, je suppose qu’une troisième guerre mondiale est en cours, sans doute plus cachée que la deuxième. Le Dieu "argent" semble être le totem d’aujourd’hui.

    L’ordre au sens propre est critiqué, la démocratie est bafouée. Un président est considéré comme "le voyou de la république" (sources Marianne)

    On veut commencer la retraite avant de travailler. Heureusement, je me dis dans ma petite tête qu’il existe une grande majorité silencieuse qui a conscience qu’il faut peut être en passer par là avant de rejoindre une future ère où les valeurs reviendront.

    A suivre, car finalement rien n’est fini. Bien à vous Monsieur l’Abbé

  • Et de dire que des choses qui nous semblaient importantes ou stressantes avant
    d’être parents nous semblent parfois dérisoires aujourd’hui.

    Voir en ligne : les parents streaming vf

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