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à propos du livre "Benoît XVI et les traditionalistes"
mercredi 28 mars 2007, par
Monsieur l’Abbé,
Je suis un de vos anciens paroissiens et je dois vous dire que je suis très attentivement le développement de l’Institut de Bon Pasteur. Je suis admiratif de votre oeuvre et prie pour que le Bon Dieu la comble longtemps de grâces.
Je voudrais juste vous poser une question à propos du dernier livre de Monsieur l’abbé Célier "Benoît XVI et les traditionalistes". Je vous avoue ne pas l’avoir encore lu. Cependant, j’ai entendu dire que vos confrères à Saint Eloi en ont fait la publicité dimanche dernier à la messe.
Pouvez- vous me dire ce que vous en pensez ? Les propos de l’abbé Célier présentent- ils une nouveauté, un changement d’attitude vis à vis du Saint Père ? de nouvelles thèses sont-elles développées ?
En vous remerciant, Monsieur l’abbé, recevez le meilleur souvenir d’un parisien qui prie pour vous.
Gérard Morizet - Paris
A propos du livre "Benoît XVI et les traditionalistes"
29 mars 2007 00:07, par Abbé Philippe Laguérie
Cher Monsieur,
Votre question tombe assez bien puisque j’achève la lecture du livre de messieurs l’abbé Grégoire Celier et Olivier Pichon. C’est peu dire que je l’ai lu : je l’ai plutôt dévoré dans le T.G.V. qui m’emmenait à Paris. J’avais déjà lu les quatre-vingt premières pages sans me piquer au jeu ; pour passionnantes qu’elles soient, les biographies respectives des auteurs retardent d’autant l’entrée dans le vif du sujet. Elles constituent même un hors sujet manifeste pour qui veut savoir, en ouvrant le livre, quelles sont les relations entre « Benoît XVI et les traditionalistes  ».
Sur le fond, je dois saluer le courage et la droiture (j’espère que mon soutien ne va pas lui être reproché : j’en serais désolé !) de l’abbé Célier. On peut même dire qu’il signe-là un véritable tour de force qui l’honore grandement tout comme la société à laquelle il a donné sa vie, la Fraternité Saint Pie X. Sans doute précise-t-il que ses jugements n’engagent que lui et que ce livre n’est pas la position officielle de son institut. Soit. N’empêche qu’il a eu les autorisations nécessaires et que ce livre est recommandé par ses supérieurs. C’est une excellente chose pour l’un comme pour les autres.
Il y a d’abord ce qu’il faut bien appeler le style « Célier  ». Un langage direct, précis, amusé et amusant même dans les choses très sérieuses de soi, une volonté, toujours couronnée de succès, d’être compris de ses lecteurs (quand beaucoup d’auteurs se piquent davantage d’être abscons pour prouver je ne sais quelle supériorité de leur hauteurs de vue, comme si Boileau n’était jamais passé par là ). Un langage résolument « branché  » qui, loin de me déplaire est la conséquence, dont nous ne tirons vanité ni l’un ni l’autre au contraire, de n’être passé et l’un et l’autre que par la laïque. Une prise de bec, éventuellement, mais sans jamais de prise de tête. Le tout fabrique un livre serein, capable d’aborder le sérieux des choses avec un optimisme résolu. L’abbé ne joue pas la comédie mais ne donne jamais dans le tragique ; quelle bouffée d’oxygène dans un monde tellement morose.
Sur le fond, on ne badine pas. Les questions sont abordées avec lucidité, même les plus gênantes, et répondues avec franchise. Merci à Monsieur Pichon d’avoir été si souvent cet avocat du diable (un peu complice pour son client parfois !) qu’il se targue d’être. Mais l’abbé sait garder une ligne de crête remarquable entre ses propres aspirations, légitimes évidemment, et la position qui est celle de sa Fraternité. Attention ! Je ne dis absolument pas qu’il ne les partage pas, ou mal ou encore à reculons. Ce serait l’accuser de duplicité et de traîtrise, où nous avons signalé le contraire : sa franchise et sa loyauté. Mais alors, direz-vous, ce livre ne contient que l’exposé de la position de la Fraternité sur les relations avec Rome, le style « Célier  » en plus ? Non pas exactement.
Parce que d’abord le style « Célier  » change passablement les choses. Avec l’abbé, elles sont toujours susceptibles d’amélioration, quand d’autres mettent leur joie et leur fierté (leur confort, plutôt) à ce qu’elles restent en l’état. Sa grande replongée dans le passé de la Tradition, dans sa constitution même, comme mouvement contestataire, remet des centaines de pendules à l’heure, d’un air de rien, en citant les faits et les propos. A cet égard les jeunes qui n’ont pas connu cette époque, doivent impérativement lire ce livre : ils y apprendront tout uniment et la gravité d’une situation inimaginable de l’Eglise et son articulation substantielle autour de la question romaine. A lire l’abbé, on sent, on sait dès le début que les positions ne sauraient être figées inexorablement, parce qu’elles ne peuvent l’être, sous peine de mort de la Tradition que nous voulons sauver. On sait d’emblée, alors que bon nombre de ses défenseurs l’ont oublié, que la Tradition (comme courant) s’achemine inexorablement vers un « happy end  » parce que c’est la seule solution possible de sa réintégration dans l’Eglise (comme source de la Révélation). Quelques qu’en doivent être d’ailleurs les circonstances, la prudence exercée, les temps et les hommes. Ce message principal du livre vous paraît banal ? Tant mieux pour vous ! Mais il ne l’est certes pas auprès de ces innombrables tradis qui, fatigués de tant de labeurs ou campés sur leurs acquis sociaux, ne veulent plus envisager ce qu’il faudrait faire car ils ont oublié à quoi ça pourrait servir. Ce livre est pour tous une très bonne cure de jouvence.
On peut également ajouter que l’optimisme de l’abbé permet de comprendre mieux l’articulation des arguments de son supérieur général et les rend accessibles. Jugez par là de sa fidélité…La longueur et la complexité des processus de rapprochement avec Rome, outre qu’il intègre la personnalité particulière du nouveau pape, seraient là très décourageantes quand elles sont ici très encourageantes ! Les conditions préalables (messe pour tous les prêtres et levées des censures) perdent radicalement leur caractère d’ukases a priori, pour être resituées dans le bien commun de l’Eglise. Elles cessent d’être le prêt-à -porter des tradis (qui d’ailleurs n’habillera que les autres !) pour devenir le vrai sur-mesure de l’Eglise du Christ. On envisage, sur demande, de faire lever le décret d’excommunication, qui existe bel et bien, alors même qu’on a toujours pensé que l’excommunication était nulle ; ce qui est mon cas toujours et encore. On envisage de trier dans le concile, pour sortir l’Eglise de cette impasse, plutôt que de se contenter de répéter qu’il est empoisonné tout entier (ce qui est vrai de son esprit, mais le pape a fait justice de cette imposture). On semble décidé à entreprendre un règlement du statut du concile et de ses déviances plutôt que de redire sans fin et sans citations précises que la collégialité, l’œcuménisme et la liberté religieuse sont des aberrations (ce qui est exact). On intègre le discours du pape à la curie du 22 décembre comme une piste de solution possible pour déminer le concile et rendre le Magistère à lui-même etc.…
Bref, en un mot comme en cent, on cherche des solutions là où l’on semblait se contenter d’un constat. On envisage une thérapie là où l’on ne songeait qu’à un diagnostique ou, plus exactement, on brandissait un verdict. Là , on veut rester sur sa (juste) position ; ici, on veut sortir de la crise et travailler pour l’Eglise.
Il n’y a pas dans les faits comme dans le livre de l’abbé Célier de solution-miracle. Dieu Seul détient semblable épilogue, c’est notoire. Mais voyez combien, avec les mêmes arguments d’hier et d’aujourd’hui, une entière fidélité à son Institut, une position en tous points ferme et lucide, l’abbé Célier nous fait entrer, sinon dans l’Espérance que nous avons tous de par notre Foi, du moins dans l’espoir. Et si l’on pense que la crise doit durer encore très longtemps, ce qui après tout est fort possible, hélas, c’est raison de plus pour former les hommes dans cet optimisme vital qui voit le bout du tunnel. C’était bien l’optique continuelle de Mgr Lefebvre et un grand merci à vous, cher monsieur l’abbé, de nous y avoir replongé si brusquement, si rondement, si joyeusement. A lire absolument.