Accueil > Actualité > l’arrestation de Saint-Paul.

l’arrestation de Saint-Paul.

lundi 15 décembre 2008, par Le secrétaire

« L’année à peine a fini sa carrière et je viens, seul, m’asseoir… » Oui, l’année Saint-Paul va prendre de fin et la nostalgie de ce géant nous afflige. Surtout lorsque l’on considère ses labeurs et la dette que nous lui avons. Sans compter l’ingratitude des hommes à son égard. Seul Dieu et Jésus-Christ devaient être la récompense de ce vase de leur choix.

Pour vous en convaincre, j’ai relu son arrestation. C’est un passage peu glorieux pour l’Eglise de Jérusalem que ce chapitre 21 des Actes (versets 17 à 40), ainsi que le chapitre suivant. Il faut oser le dire ; même si l’on peut toujours justifier le mal par un recours à une permission divine et, tant qu’on y est, assurer les scrupuleux qu’il en est sorti un plus grand bien (air connu) !

Résumons les faits.

Saint-Paul débarque à Jérusalem de sa troisième tournée apostolique. Disons au passage, qu’il vient tout juste de ressusciter un mort à Troas (20, 12). Il apporte aux chrétiens démunis de la ville sainte une somme d’argent considérable, collectée depuis des années, suite aux résolutions pastorales du « concile » de Jérusalem en 49. On aurait du l’accueillir en héros et en bienfaiteur insigne…

C’est le cas, au début. Les « frères » le reçoivent avec plaisir (17). Le lendemain, comme de juste, il se rend chez l’évêque du lieu, le célèbre Jacques, cousin du Seigneur. Ce dernier a réuni tous ses prêtres, les anciens. Paul raconte ses campagnes apostoliques et la conversion massive des gentils (19). Tous glorifient Dieu et l’on peut légitimement imaginer des applaudissements, que Paul méritait amplement. Jusque-là, tout va bien.

Mais ils commencent à lui raconter que les juifs aussi, convertis par myriades (ah bon ?) sont tous zélateurs de la Loi. Très délicats à l’égard de Paul, l’Apôtre des gentils et choisi par Dieu pour cela. (20). Or, poursuivent-ils, ils savent que toi tu enseignes de déserter Moïse, de ne pas se faire circoncire et d’abandonner les coutumes. Les faits sont vrais mais le reproche parfaitement illégitime : le concile de Jérusalem n’a pas demandé la circoncision, encore moins d’être « zélateur » de Moïse. Il n’a gardé, dans une liberté générale à l’égard de la Loi, que les quatre prohibitions des idolothytes, du sang, des viandes étouffées et de la fornication (porneia).

Il faut comprendre ces prescriptions pour saisir l’attitude de Jacques d’abord et de Paul ensuite. Elles étaient les ordonnances imposées par les juifs aux « justes parmi les nations » c’est-à-dire à ces païens qui reconnaissaient le Dieu d’Israël comme véridique et unique. Ils avaient leur parvis à part de celui des israélites dans le temple et participaient également aux instructions dans les synagogues de la diaspora. On n’éxigeait pas d’eux qu’ils pratiquassent la loi de Moïse, imposées aux seuls juifs. Mais ils devaient s’abstenir de manger les viandes des bouchers précédemment offertes aux idoles (risque de participer à leur ancienne idolîtrie), du sang (et donc des viandes non saignées d’abord et donc étouffées) parce que les juifs considéraient le sang comme le siège de l’îme, ou l’îme elle-même et par là communication du souffle divin de la vie et, pour finir, de laisser tomber toute fornication, rituellement associée au culte des idoles (tous ces cultes se terminaient en ce que nous appelons aujourd’hui des « partouzes », témoignage évident de la signature du diable). Ces quatre interdictions étaient particulièrement judicieuses pour ces « israélites » du dehors, en particulier l’interdiction de toute fornication, véritable caractéristique d’un païen. Un très bon rempart contre tout retour aux idoles, par le respect imposé de la vie comme don du Dieu unique.

L’idée de Jacques de Jérusalem fut d’imposer ces normes aux chrétiens convertis du paganisme, de la gentilité. Au fond, il considère qu’un chrétien non juif est aux judéo-chrétiens ce que les justes parmi les nations étaient aux véritables israélites. Il réussit à imposer cette pratique comme officielle puisqu’elle figure dans les actes du concile de Jérusalem (Ac 15, 29). On mesure le glissement de terrain qui risquait de s’opérer dans l’Eglise du Christ si, de simple pastorale immédiate, elle devenait un fondement dogmatique. Il y aurait eu à terme des chrétiens à deux vitesses, de deux espèces différentes. Qu’il ait fallu, au début de l’Eglise et dans des populations chrétiennes essentiellement juives, prendre des mesures pastorales pour ne scandaliser personne et mieux convertir au Christ : soit. Mais qu’on érige ces directives en obligation auprès de populations étrangères au judaïsme, c’était pastoralement nul et dogmatiquement catastrophique. C’était placer Moïse au dessus du Christ.

Saint Paul pouvait-il s’affranchir si aisément de l’autorité du concile de Jérusalem, ce qu’il fit en effet ? Oui, et pour plusieurs raisons, chacune suffisante. Le décret de Jérusalem n’est pas universel puisqu’il s’adresse aux églises d’Antioche, de Syrie et de Cilicie (Ac 15, 23). Parce qu’aussi bien l’épitre aux galates (2, 2) fait mention d’une réunion particulière des apôtres, avant les débats publics du concile, au terme de laquelle et dans une chaleureuse poignée de mains, les « colonnes » de l’Eglise n’imposèrent pas à Saint-Paul ces conditions et lui demandèrent simplement d’avoir à se souvenir des pauvres de Jérusalem. Ce qui explique la véritable obsession de l’Apôtre, toute sa vie durant, de subvenir aux besoins de l’Eglise-mère. (Il en sera bien mal récompensé !) Enfin, parce que ce concile est purement pastoral, ce que l’arrangement de Saint-Paul avec Pierre, Jacques et Jean prouve évidemment, et que l’Apôtre saisit d’instinct qu’une mesure bénéfique à Jérusalem ou à Antioche peut devenir nuisible et dangereuse à Corinthe ou à Ephèse. Pire, on risque immédiatement les plus graves abus (circoncision, sabbats et autres) et que ce glissement pastoral devienne alors une véritable hérésie létale au Christianisme.

Saint-Paul ne respectera donc pas ces remparts pastoraux, comme en témoigne la 1ère aux corinthiens en ce qui concerne les idolothytes. L’Apôtre en fait une question de conscience personnelle, (ne pas scandaliser l’entourage) ce qu’elle est tout à fait en matière pastorale. En revanche, agiter ces questions comme une nécessité pour être chrétien, pour se sauver, constitue, non pas seulement une faute pastorale, mais une véritable hérésie sur la vrai nature du salut apporté par le Seigneur. « Passer à un autre Evangile », tout simplement. La joie du presbyterium jérosolomitain à constater que tous les juifs convertis sont zélateurs de Moïse est simplement malsaine.

Qu’il s’agisse bien d’un grave reproche envers Paul ne fait pas l’ombre d’un doute, comme en témoigne la suite (25) : ils lui citent les quatre conditions du concile qu’il n’observe pas. Pas de doute possible : 2000 ans avant Benoît XVI, Saint-Paul se permet une herméneutique du concile et s’occupe d’une réception authentique. Que faire, donc ? L’histoire est un éternel recommencement. Quoi qu’il en soit, cela va couter à notre héros quatre années de réclusion. Il aurait même du y laisser sa peau, comme on va voir…

Aussi proposent-t-ils sans vergogne à Saint-Paul, devant la rage des juifs (non chrétiens) de la ville, attisée, comme on s’en doute, par le sanhédrin et son grand-prêtre Ananie, de se prêter à une véritable mascarade. Pour éviter la haine meurtrière des juifs, dès qu’ils apprendront l’arrivée de Paul en ville, il devra les amadouer en parrainant ostensiblement quatre « naziréens ». Quèsaco, direz-vous ? Vous-vous souvenez de Sanson, quand même, le lion, sa mîchoire d’îne, ses longs cheveux, les philistins et Dalila…Vous y êtes. Il s’agit pour Saint-Paul de se promener sept jours durant dans le Temple avec ses filleuls, hirsutes et crasseux, d’accomplir les purifications légales, de payer leur offrande au trésor pour s’affranchir de ce vœux de trente jours (ben voyons, c’est tout naturel). Le stratagème n’a même pas marché huit jours (AC 21, 27 et suivants). La haine des juifs est telle (calomnie à l’appui, comme cette pseudo introduction dans le temple d’un certain Trophime d’Ephèse) que, sauf intervention du tribun, des centurions et de la troupe, Saint-Paul était lyncher comme Saint-Etienne et aussi vite. Imaginez cette haine : « Ote de la terre un pareil homme, il ne mérite pas de vivre » ! Les actes signalent deux tentatives (ratées) de meurtres entre Jérusalem et Césarée…C’est l’armée romaine qui a sauvé Paul des sicaires juifs.

Bien-sûr que la Providence avait sa petite idée derrière la tête. Cette scandaleuse mascarade aura pour effet le splendide procès de l’Apôtre devant le sanhédrin, les, les sublimes témoignages de l’Apôtre devant Felix le Tribun, Drusille sa femme, Aggripa le roi, Bérénice son épouse et finalement Festus. Jésus apparaît Lui-même à Paul pour lui signifier qu’il doit rendre témoignage à Rome, ce qui va le décider de faire appel à César.

Mais les faits sont là, têtus. La trahison de Judas a sans doute permis le salut du monde. Mais de là à cautionner la haine des juifs de Jérusalem et le judaïsme funeste des chrétiens locaux, leur subtile stratagème ou leur peur viscérale des premiers…Mieux vaut laisser la parole au héros :

« Au reste, que personne désormais ne me suscite de tracasseries, car je porte sur mon corps les cicatrices de Jésus ».

Messages

  • Je découvre avec retard cet article avec lequel je me sens d’accord (sauf qu’il manque des précisions sur le Concile de Jérusalem qui m’apparaît comme un marché de dupes : Faut-il imposer des contraintes ? – Non – Non – Non, conclut Jacques, eh bien ce sera oui quand même (et on fera endosser ça par le St Esprit et nous-mêmes. Mais ce n’est pas le sujet, sauf que le problème mal réglé entraîne de fâcheuses conséquences jusqu’à nos jours).

    Je découvre surtout cet article avec étonnement sur ce site. Avec l’emploi d’une terminologie plus commode que précise, Paul est un progressiste, les juifs (convertis au christianisme ou pas) qui s’en prennent à lui sont des traditionnalistes. Les progressistes avancent et font avancer les choses. Les traditionalistes bloquent les évolutions en se référant à la situation d’une certaine date finalement arbitrairement choisie. Les traditionnalistes qui aujourd’hui s’en prennent à ceux qui font arrêter Paul ne devraient-ils pas entendre : le « Tu es ille vir  » de Nathan à David. Certes leur calendrier a changé de période, mais il reste bloqué à une période passée dont la référence n’a rien d’universellement justifiable.

    fvalois@ifrance.com

    • Cher monsieur,
      Merci pour le premier paragraphe, qui me va droit au coeur.

      Mais que ne voyez-vous qu’il contredit, au moins n’explique pas, le deuxième. Ca blogue entre les deux !

      Parce que, tout simplement le Christ-Seigneur est passé par là. Saint Paul s’opposait au judaïsme dans l’Eglise parce qu’il savait que le retour à la Loi était la mort de la Foi en J.C.

      Les "tradis" ne veulent revenir à aucune loi. Ils veulent qu’on revienne à Jésus-Christ dans toute sa splendeur et sa gloire. Tel que. Ils sont pauliniens, n’en doutez pas. Et si on vous a convaincu du contraire...venez me voir ! A bientôt.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.